Le 28 Mars 1977, un an après le somptueux « Black Market » paraissait chez Columbia ce septième opus de Weather Report. « Heavy Weather » présentait un niveau d’accessibilité tel que l’album battit tous les records de popularité, et donc de ventes jamais atteints dans ce registre du jazz-rock, et que, dans la logique des choses, les puristes de la première heure taxèrent de trop commercial.
« Birdland« , le tube planétaire aux trois Grammys n’est certes pas étranger à ce phénomène, une pièce entrainante, au thème épidémique que Joe Zawinul avait écrite en souvenir du célèbre Club de Jazz du même nom, et dans lequel il s’était produit jadis. Il en avait surtout gardé le souvenir d’une soirée où il accompagnait Dinah Washington qui, tout en chantant, donnait en tapant de ses hauts talons, une rythmique qu’il essaya de restituer ici. Mais l’atout majeur de cet album concerne indubitablement Jaco Pastorius, passé non seulement membre permanent du groupe mais également coproducteur (il en sera de même pour l’album suivant (« Mr Gone ») participant activement au mixage, et reléguant curieusement Wayne Shorter au rôle d’assistant. Le bassiste virtuose produisait des sons venus d’ailleurs, avec cette 4 cordes dépourvue de frettes qui lui conférait une étonnante fluidité devenant à la fois instrument rythmique et mélodique lorsque par exemple, il accompagnait le saxophoniste sur le thème de la sublime balade de Joe Zawinul « A Remark You Made« . Jaco avait écrit ici deux des titres. « Teen Town« , où, en plus d’une ligne de basse époustouflante, il assurait la batterie, restera l’une de ses plus mémorables compositions, mais malheureusement trop courte ; sa durée sera heureusement doublée, passant de 3 à 6 minutes sur la version live du bonus de l’album.
Avec « Havona« , une pièce plus complexe qui referme l’album, il révélait également ses qualités de soliste, à 2.35 minutes, dans un chorus faisant suite à celui du saxophone soprano. Wayne Shorter avait également signé deux compositions dont « Palladium » du nom du Club où, de nombreuses années auparavant, le saxophoniste avait accompagné le combo de Tito Puente, et qui inspira cette pièce de latin jazz. « Harlequin » était un retour à la douceur du second morceau, dans une harmonieuse interaction entre basse, piano acoustique et couches sonores du synthétiseur polyphonique avec le saxophone soprano. « The Juggler » était la troisième pièce signée par Joe Zawinul où cette fois, le thème fut porté par les Fender Rhodes, toujours aux côtés de cette basse omniprésente de Jaco qui jouait également ici du mandoloncelle (mandoline de taille plus grande, et dans le registre baryton). Enfin, le seul bémol de cet album reste quand même la cinquième plage « Rumba Mama » emmenée par le duo Acuña/Badrena qui, mis à part le côté fraicheur du Live, arrivait ici comme la « mouche dans le lait » (pour citer Michel Audiard) et déparait ce répertoire.
« Heavy Weather » fut réédité chez Columbia en 1997 en version remasterisé en 20-bit, incluant 3 morceaux bonus en versions live, puis l’album sera englobé en 2014 dans un coffret 6 CD remasterisés (« The Columbia albums 1976-1982 »).
Formation du groupe
Joe Zawinul : synthétiseurs polyphoniques Oberheim et ARP 2600, pianos acoustiques et électriques Rhodes, guitare, mélodica, tabla, chant, orchestrations, co-producteur - Wayne Shorter : saxophones soprano et ténor, assistant producteur - Jaco Pastorius : basse, mandoline, batterie, steel drums, chant, co-producteur - Alejandro Acuña : batterie, congas, tom toms, battements de mains - Manolo Badrena : tambourin, congas, timbales, percussions, chant
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