En Février 1974 paraissait chez Virgin le premier album de Hatfield And The North.
Au-delà de son importance dans l’innovation musicale, l’école dite de Canterbury fut l’un des courants les plus étonnants dans une géométrie variable où les groupes se formaient, se recomposaient et s’arrêtaient au gré des mouvements croisés de leurs musiciens. En Septembre 1972, alors que le second album de Matching Mole (‘’Little Red Record’) n’était pas encore sorti, Robert Wyatt, sans doute épuisé par le poids de nombreuses tournées, annonçait officiellement, à la grande stupéfaction de ses membres, la dissolution de son groupe. Après un album collaboratif avec le saxophoniste George ‘’Lol’’ Coxhill (Kevin Ayers) en 1973, le guitariste Phil Miller se rapprocha de son ami d’enfance, le batteur de Pip Pyle qui avec Gong, n’avait participé (officiellement) qu’à ‘’Camembert Electrique’’, et que remplaça ensuite Laurie Allen. Ils furent rejoints par les deux cousins Sinclair dont seul resta finalement le bassiste & chanteur Richard (Caravan) après un revirement de Dave. Il se mirent donc en quête d’un claviériste, préférant Dave Stewart (Egg, Khan) à Alan Gowen (Gilgamesh), sachant que les deux musiciens allaient se rejoindre par la suite au sein de National Health.
La pochette de cet album, illustrée par Laurie Lewis (une amie de Pip Pyle) présentait un panoramique de la ville de Reykjavik (Islande) surmontée d’un extrait sur fond rose pâle, de la célèbre fresque de Signorelli ‘’L’Enfer De Dante’’, se rapprochant ainsi du souhait formulé par le groupe, d’une représentation du Nord, de ses mystères et de ses légendes. Plus surprenant encore était la couverture intérieure en deux volets présentant les 10 musiciens (invités inclus) entourés d’une part par les personnages de la série western Bonanza, et à gauche d’un magicien lançant son ‘’chien volant’’, un avant-goût du caractère humoristique, puéril et souvent absurde des textes et des facéties sonores de ce répertoire. L’enregistrement au Manor studio de Virgin dura plusieurs mois autour de musiciens qui prenaient du temps et du plaisir, inconscients des coûts d’occupation du Studio avant de recevoir la note plutôt salée que leur présenta Virgin en la personne de Richard Branson.
L’album était parsemé de courtes transitions, à commencer par son introduction et sa conclusion, deux improvisations de Dave Stewart (sur un Pianet Hohner) qui furent curieusement créditées à Pip Pyle. La pop légère de ‘’Big Jobs’’(en deux parties), ‘’Fol De Rol’’, ‘’Licks For The Ladies’’ et ‘’Bossa NoChance’’ composés par Richard Sinclair et portés par la nonchalance de son chant, pouvaient irrésistiblement évoquer Caravan. Première des deux longues pièces de l’album, ‘’Going Up To People And Tinkling’’ était signée par Dave Stewart qui croisait ici ses chorus de Fender Rhodes avec ceux du guitariste. ‘’Aigrette’’ était un magnifique et trop court morceau de Phil Miller, un Jazz aux couleurs du monde dans lequel ses guitares (électrique et acoustique) accompagnaient des vocaux pouvant faire penser au Pat Metheny Group. Il avait également signé ‘’Calyx’’, une plage mélodique qui réunissait exceptionnellement au chant Robert Wyatt et Richard Sinclair. Au fil d’un développement de 10 minutes difficile à résumer en ces quelques lignes, ‘’(Son Of) There’s No Place like Homerton’’ écrite par le claviériste, également auteur d’arrangements sophistiqués, superposant, entre autres, des couches de claviers et de cuivres, invitait ici le saxophoniste Geoff Leigh (Henry Cow) et les trois choristes dites ‘’Northettes’’. Le second titre épique et non moins complexe de cet album, ‘’Shaving Is Boring’’ était du pour sa part, au batteur Pip Pyle, une pièce à tiroirs, mêlant une rythmique parfois complexe à des boucles mélodiques tout en ouvrant un large espace d’improvisation à Phil Miller et surtout Dave Stewart.
Un an plus tard, fort de la leçon reçue au Manor Studio, le groupe mit moins de trois semaines pour enregistrer leur second opus dans un modeste studio sans commune mesure avec celui de Virgin. Cette célérité donnera une impression de Live à ‘’The Rotters Club’’, second et déjà dernier album du combo. Les deux albums de Hatfield And The North compteront parmi les œuvres les plus emblématiques du courant canterburien, sachant que le groupe se sépara au cours de l’année 1975, acte de naissance de National Health.
‘’Hatfield And The North’’ fut remasterisé en 2009 (Esoteric Records/Ben Wiseman) avec trois plages bonus (‘’Let’s eat’’, ‘Fitter Stoke Has A Bath’’, ‘‘Your Majesty Is Like A Cream Donut Incorporating Oh What A Lovely Lifetime’’.
Formation du groupe
Phil Miller : guitares électriques et acoustiques (6) - Dave Stewart : Hammond, piano, Fender Rhodes, Hohner Pianet, Minimoog (9), générateur de sons - Richard Sinclair : basse, chant - Pip Pyle : batterie, percussions, Fx (7,9,11) Avec : - Jeremy Baines : pixiephone (5), flûte (13) - Geoff Leigh : saxophone ténor (5), flûte (5,13) - Didier Malherbe : solo de saxophone ténor (7) - Robert Wyatt : chant (4) - Cyrille Ayers : chant (8 ?) - Barbara Gaskin : chœurs (5) - Amanda Parsons : chœurs (5) - Ann Rosenthal : chœurs (5) - Sam Ellidge : voix (7)
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