The Passing
Par Jacob Roberge
Le jeune multi-instrumentiste québécois, Jacob Roberge, nous propose un premier album intitulé ‘The Passing’, le fruit de dix années de travail.
De toute évidence, les six morceaux de cet album sont du pur rock progressif contemporain, s’engageant dans des directions et des dimensions précédemment explorées par des groupes tels que Porcupine Tree, ou Tiger Moth Tales. Cependant, Jacob Roberge marque sa différence en enrobant bien souvent ses compositions d’orchestrations symphoniques et d’une guitare incisive omniprésente, qui ajoutent une dimension supplémentaire à l’ensemble.
Les thèmes sont d’humeur sombre, notamment dans la dernière piste, l’éponyme ‘The Passing’, longue de 32 minutes, qui parcourt divers styles musicaux en évoquant les cinq étapes du deuil. Nous avons aussi des titres plus concis avec en ouverture « The Long Way Home » et « Empty Traces, Pt. 1 », dans l’esprit de Marillion, mais également une intrusion dans un prog plus musclé avec « Petrichor », tendance Spock’s Beard.
Des compositions superbement architecturées, de beaux solos et un cocktail musical multi-genres, font de ‘The Passing’ un album intéressant qui coule agréablement comme tous les bons albums de prog.
A Touch of Class
Par Vestamaran
Le groupe norvégien Vestamaran ne fait franchement pas partie des formations aux tendances progressives, mais la qualité des compositions et la diversité de styles de son deuxième album ‘A Touch of Class’ méritent que l’on y jette une oreille attentive. Après une première production prometteuse ‘Bungalow Rex’, Vestamaran nous propose neuf titres des plus éclectiques possibles, passant d’un rock classique en ouverture ‘Storyteller’, aux nuances que l’on pourrait qualifier de prog dans la construction de la sixième piste ‘How to Build a Bar’. Quelques touches country viennent aussi s’installer dans ‘Wallets’, un morceau axé sur la pedal steel qui pose des accords discrets et vaporeux sur une mélodie subtile. Le versant rock alternatif se dévoile dans ‘Bow Down’ et ‘Denmark’ aux lignes instrumentales plus électriques et bénéficiant d’un tempo plus enlevé.
Des harmonies généreuses baignent ‘Silver Foxes’ qui se meut sur des cimes feutrées et linéaires, explosant dans les dernières minutes avec l’introduction d’un dialogue fougueux entre la guitare et la section rythmique. Les deux derniers morceaux, ‘Cape tip of my nose‘ et ‘Drive-Drive-Drive‘ avec un mélange raffiné de psychédélisme et de rock, rappelleront parfois le Steve Miller Band des années 80.
Comme indiqué en début de chronique, ‘A Touch of Class’ n’est pas un album de prog, et Il n’y a rien dans ses compositions qui vous surprendra en termes d’originalité, mais bien qu’il y ait un mélange de styles différents l’ensemble s’accorde parfaitement bien et délivre un résultat vibrant et frais.
Borealis
Par Thom Pankhurst
Le son des aurores boréales.
Cela faisait bien longtemps que je ne m’étais pas penché sur un album instrumental de guitariste… Le six-cordiste du jour est Thom Pankhurst, basé au Royaume Uni, et ‘Borealis’ son second EP après ‘Lighthouse’ paru en 2018. Cinq titres pour un poil plus de 30 minutes de musique avec Yanir Aronowicz à la batterie, Maddie Cutter au violoncelle, Thom assurant l’intégralité du reste des instruments. Mais c’est surtout de guitare dont il est question. Le style de Thom Pankhurst appartient à la famille des Plini, Syncatto, Waxamilion, etc… soit plutôt technique, on peut même dire virtuose, sans pour autant délaisser complètement l’approche mélodique des thèmes. J’ai particulièrement noté son utilisation du tapping main droite en complément du jeu au médiator, ou bien le tapping à deux mains, ou encore le finger picking. La production est impeccable, chirurgicale, alternant les sons clairs et saturés pour maintenir une belle dynamique tout le long du disque. J’ignore si cet EP est la bande son parfaite pour observer les aurores boréales… à tester, puisque, parait-il, nous pouvons dorénavant en voir depuis nos contrées. Ce qui est certain c’est que ‘Borealis’ fait voyager, que ce soit vers le nord ou vers le sud.
Dream Factory
Par The Dreamer
Une petite douceur pour ce début d’année, où tout est résumé, en quelque sorte, dans le titre de l’album ‘Dream Factory’ et dans le nom du groupe The Dreamer, le projet du multi-instrumentiste hongrois Balint Madi. Aucune fortes turbulences ne viennent s’immiscer dans les onze compositions de cette ‘fabrique à rêves’, la musique coule doucement entre vos oreilles en un flux voluptueux et aérien. L’illustration en est parfaite dès le morceau d’ouverture « Prologue » où voix éthérées et nappes de claviers vaporeuses nous préparent à entrer dans le titre phare de l’album « Have A Good night », au programme ambiance floydienne et mélodie caressante et soyeuse. Nous retrouverons ainsi tout au long de ‘Dream Factory’ de courts morceaux servant d’introductions aux compositions plus développées qui oscillent entre différents styles : un peu d’electro, un peu de prog, un peu de nuances jazz et beaucoup d’émotion. Le décor musical ainsi planté nous pourrons nous délecter de superbes pièces atmosphériques comme « I Dreamed A World » affichant quelques affinités avec les Moody Blues où de véritables longues pièces progressives épiques « Altum Somnum » (17’26’’) et « Who I Want To Be » (14’26’’) aux intonations jazzy. Malgré un ou deux petits moments de faiblesse la musique de ‘Dream Factory’ s’enchaîne sans heurts d’un thème à l’autre, créant un ensemble très cohérent.
Lost 3mbers
Par My Arrival
Lost 3mbers, est le deuxième album du groupe néerlandais My Arrival composé d’ex-membres de Sylvium (Ben van Gastel : Guitares, Claviers, Chant – Fred Boks : Basse, Batterie, Claviers – Richard de Geest : Chant). Dix titres qui vont nous faire voyager en explorant : les vestiges de la perte personnelle, la résilience et les braises vacillantes de l’espoir dans un monde en feu. Avec un parti pris, nous transporter dans un monde musical plutôt atmosphérique et lancinant où tout est parfaitement calibré de manière à nous immerger dans des mélodies d’une humeur sombre, voire obscure et mystérieuse. Cela fonctionne très bien, car le chant légèrement caverneux et monocorde de Richard de Geest se prête parfaitement bien à cet environnement, ajoutant une parfaite continuité dans le déroulement de l’album.
Pas de tempête à l’horizon, tout coule admirablement bien, et une première chose qui ressort, c’est à quel point Lost 3mbers ne présente pas de faiblesse. Il n’y a pas de morceau raté, mais quelques-uns se démarquent, tout de même, de l’ensemble : « Alone » une ballade progressive puissante à tomber par terre, et dans le même registre le superbement ombrageux « So Close ». Il y a aussi, « Your Voice » où la participation au chant de Cindy van der Meer et l’excellent solo de guitare de Ben van Gastel transcendent la mélodie, un titre qui résume parfaitement toutes les qualités du groupe. Mélodiquement irréprochable, Lost 3mbers avec ses nombreux morceaux introspectifs intercalés, dans un bon équilibre, à certains plus forts, se révèle être un nouvel opus incontournable.
In the english way
Par André Fernandez
Le troisième album ‘In the english way’ du guitariste français André Fernandez nous propose un ensemble de sept pistes aux influences éclectiques avec dans ses premiers titres quelques hymnes rock/pop mélodiques énergiques prenant leurs racines dans les années 70 et qui, pour certains (‘The Yoghourt’s Way’, ‘Never Let You Go’), auraient rempli, dans une époque maintenant révolue, facilement une piste de danse. Quelques douceurs viennent tempérer le caractère vif des premiers morceaux, nous retrouvons ainsi, une ballade sentimentale ‘Streets Of My Mind’ et un ‘I Need Love (The Complaint Of A Connected Sex Toy)’ ouvrant les vannes d’un rock psychédélique qui allie une rythmique veloutée et un sax jazzy. Ce qui est particulier avec cet album, c’est que l’ambiance de la première moitié est assez différente de la seconde, André Fernandez conclut l’album avec l’éponyme ‘In the english way’, d’une vingtaine de minutes, un titre épique où se croisent une multitude de genres (Prog, Psyché…). D’un début calme et doux, le morceau se transforme en un hymne puissant. Dans l’ensemble, ‘In the english way’ est vraiment impressionnant par sa grande musicalité, un son intemporel, et une production irréprochable. La variété des styles et des ambiances procure à cet album une écoute divertissante du début à la fin.
Luck and Strange
Par David Gilmour
Session de rattrapage. En cette fin d’année 2024, on revient sur quelques albums majeurs publiés pendant l’année qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’une chronique au moment de leur sortie.
Nous avons deux points communs avec David Gilmour : 1. Le prénom, 2. Moi aussi, j’ai une Stratocaster. Et ça s’arrête là. Neuf années après ‘Rattle that lock’, l’iconique guitariste de Pink Floyd a repris la route du studio pour ‘Luck and Strange’. Inutile de se lancer dans une analyse rationnelle des qualités de cet opus, puisqu’il est clair que ce disque est avant tout un produit du cœur. Il est en effet porté par les contributions de ses proches : les textes émouvants sur le thème du temps qui passe de sa compagne Polly Samson, la voix de sa fille Romany Gilmour (magnifique sur “Between Two Points”), ainsi que celle de son fils Gabriel Gilmour, sans oublier les claviers du regretté Richard Wright (issus d’un jam enregistré peu avant sa disparition – disponible en titre bonus – qui donnera la matrice du morceau “Luck and Strange”). David Gilmour profite de cet environnement de confiance pour poser sa voix façonnée par les années mais toujours aussi reconnaissable, ainsi que son incomparable toucher de guitare (je retiendrai particulièrement “Scattered” et son superbe solo). Un album laid back à savourer au coin du feu par un musicien de légende, qui devrait combler les fans comme les amateurs de musique authentique de grande qualité.
The Guardians
Par Cyan
Léger retour en arrière pour présenter le dernier album de Cyan, ce groupe formé dans les années 80 par Robert Reed, et ressuscité en 2021 avec un line-up au goût du jour : Luke Machin aux guitares, Dan Nelson à la basse, un duo vocal de choc avec Angharad Brinn et Pete Jones (qui manie aussi avec bonheur le sax). The Guardians, d’une durée oscillant entre l’EP et le LP reprend du matériel plus ancien et nous offre trois nouveaux morceaux dont le premier flirte avec les 25 minutes ! Le passionnant « The Guardians Of Their Destiny » débute par un des ces thèmes épiques, énoncé à l’orgue sous les doigts de Robert Reed, qui ont fait la gloire du genre. Il n’y manquait que la voix magique de Pete Jones pour parfaire le tableau, et sa contrepartie féminine n’est pas en reste. Ruptures de rythmes, harmonies amples et généreuses, sonorités de claviers à la Tony Banks, … Difficile de résister à la poésie du passage central. Bref, du prog symphonique / mélodique dans ce qu’il y a de mieux. « All Around The World » reprend un morceau des années 90 : une très belle ballade mélodique, simple et sans prétention. Dans un autre style, l’instrumental « Cyan » déploie quelques sonorités jazz-rock, l’occasion pour Pete Jones de passer au sax. Pour conclure, The Guardians est un superbe album, particulièrement généreux dans sa concision, et plein de prog symphonique à l’ancienne comme on l’aime !
Melodies Of Atonement
Par Leprous
Session de rattrapage. En cette fin d’année 2024, on revient sur quelques albums majeurs publiés pendant l’année qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’une chronique au moment de leur sortie.
Leprous poursuit son évolution avec ce huitième album studio. ‘Melodies Of Atonement’ ne ressemble pas complètement aux albums précédents, ni certainement aux suivants. C’est la force de ce groupe à la créativité et la personnalité extrêmement marquées. Une musique rythmiquement complexe aux arrangements originaux et précis mettant en valeur l’incroyable voix d’Einar Solberg, voici en quelques mots le descriptif de cette nouvelle livraison. Ici, les éléments électroniques sont plus présents, tout en conservant une sonorité à tendance Metal, donnant à l’ensemble un style très contemporain. Pour preuve “Atonement” qui illustre cette tendance, les aigus d’Einar Solberg y étant parfaitement subjuguants. “Like a Sunken Ship” donne une démonstration sur la manière de monter un titre en intensité servi par l’impressionnant jeu de batterie de Baard Kolstad. Même le jazz est de la partie avec “Faceless” et son accompagnement piano – contrebasse – batterie. Bref, encore un album de très grande qualité par Leprous, qui continue à faire avancer le Schmilblick du Prog contemporain.
Stairs
Par Perfect Storm
Après un album de grande qualité intitulé No Air et rempli de neo-prog flirtant avec Porcupine Tree, mais aussi parfois avec Level 42 ( !), le sextette néerlandais publie son 2ème album. Stairs débute dans la fureur d’un hard rock dont le titre, « Demon’s Dance », est suffisamment évocateur. « Skin Deep Sky » avec ses effets acoustiques et sa calme et belle mélodie, se fait plus apaisé. « Don’t Go » et ses vocaux aériens me fait penser à Angel (au cas où quelqu’un se souviendrait de ce groupe US). « I Am Tomorrow » et « Misspend », avec leurs riffs, reviennent à la grande tradition du hard rock mélodique. Si je devais replacer ici Level 42, je le ferais sur le très beau « Stairs » et ses harmonies très réussies. Le long final, « Depraved Mind » récapitule l’essentiel des éléments de l’album dans un bel enchainement des différentes atmosphères. Bref, du côté de Groningen, on fait une nouvelle fois de l’excellente musique, souvent dynamique et musclée, mais pas trop … Le bon équilibre !