Omnibus-2 -The Middle Years-

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(5 sur 5) / Seacrest Oy
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Rock Progressif

En cette fin d’année 2021, voici une chronique un peu inhabituelle dans la mesure où elle s’attaque non pas à un album mais à quatre d’un coup ! En effet les Samurai Of Prog, TSOP pour les connaisseurs, sortent dans un somptueux coffret une réédition de leurs albums publiés entre 2017 et 2020, à savoir On We sail, Archiviarum, Toki No Kaze et Beyond The Wardrobe. Regroupés sous l’appellation Omnibus-2 – The Middle Years, il s’agit ici en fait des albums de la maturité de TSOP. En effet le concept initial basé sur des reprises (excellentes au demeurant) est progressivement passé à des compositions propres d’un symphonisme luxuriant. Le concept : un trio de tête composé de Marco Bernard, Kimmo Pörsti, Steve Unruh, étoffé par une liste bien fournie et très cosmopolite de musiciens de haut de vol, s’est totalement pérennisé avec la réussite que l’on sait. Tout cela fait de TSOP au fil des ans et des albums, une entreprise musicale de premier plan et évidemment une référence incontournable du rock progressif contemporain. L’autre grande réussite, c’est le choix de confier la composition du répertoire à autant de musiciens, tout en conservant une unité et une cohérence parfaite. Nous y reviendrons.

On We Sail, ou de la difficulté à naviguer en période trouble … Le livret accompagnant le package évoque comment le collectif a perdu tragiquement 4 de ses précédents membres. Et pourtant avec cet album qui fait la part belle à des sonorités à la Kansas, ELP et Genesis, le vaisseau va prendre le large, et de quelle manière ! A ce titre la première piste, qui donne son nom à l’album, est emblématique, et au bout du compte d’un bel optimisme. Ecoutez le puissant thème d’ « Eléments Of Life » et le superbe travail de piano d’Octavio Stampalia, la voix délicate de Michelle Young dans « Theodora », pour citer deux exemples. Après cette entame grandiose, « Ascension » nous amène sur un chemin musical plus pastoral avec la flûte et la basse de Steve Unruh et de Marco Bernard qui virevoltent. Les pistes suivantes démontrent à leur tour un symphonisme de haute volée jusqu’au délicat et superbe intermède de David Meyers au piano solo, « Over Again », dans un style classicisant. L’album se termine par « Tigers » composé par Stefan Renström, malheureusement disparu avant la sortie de l’album, chanté par Daniel Fäldt (compère du premier nommé dans Simon Says). Il y a une sorte d’apaisement dans cette ultime piste qui se termine en mode majeur. Deux bonus-tracks sont ajoutés à cette version. Le court « The Iron Mask » est un extrait d’un futur album à venir, apprend-on dans le livret. Nous en reparlerons le moment venu ! En attendant on y reconnait sans peine la célèbre et très percutante Marche pour la cérémonie des Turcs de Jean-Baptiste Lully. On We Sail est sans doute le premier album de la maturité de TSOP, le concept fonctionne à la perfection. Le vaisseau à atteint le grand large, et la suite démontrera qu’il ne le quittera plus.

Après ce coup de maître, Archiviarum, comme son nom le laisse entendre, reprend quelques compositions plus anciennes et restées inédites, en ajoute de nouvelles, et au final ce qui aurait pu être considéré comme une compilation devient un véritable album tout à fait digne de succéder à On We Sail. L’excellent instrumental d’intro, « Keep The Ball Rolling » le confirme d’ailleurs parfaitement. « Ahead Of Fortune » aborde des territoires plus contemplatifs, l’occasion d’entendre la voix de Steve Unruh en plus de son violon. On enchaine sur du chant espagnol en duo pour « La Oscuridad », puis en italien pour « Cristalli ». On passe à « Elitropia » un instrumental au thème cartoonesque. « The Sleeping Lover » et « From This Window » reprennent le style symphonique, le deuxième étant particulièrement bondissant et léger. « Ice » est une reprise du morceau très mélancolique et aux superbes harmonies de Camel (I Can See You House From Here). Avec « Predawn » on termine sur un nouveau morceau de piano solo de David Meyers, avec ses harmonies jazz, qu’on dirait tout droit sorti d’un album de Dave Grusin. Magique ! La version initiale de l’album contenait en bonus une reprise du « Heroes » de David Bowie, qui n’était peut-être pas vraiment dans le ton de l’album et qui faisait une transition un peu abrupte avec la musique évanescente de Myers. D’un autre côté c’est toujours sympa d’écouter du Bowie. Du coup c’est un « White Skies », dont l’intro au piano fait parfaitement la liaison avec la piste précédente, qui devient le nouveau bonus. D’ailleurs les fans et connaisseurs de la musique de TSOP auront peut-être reconnu dans le thème caractéristique de cette pièce le travail de composition d’Alessandro di Benedetti (1) qui provient du morceau « A Queen Wish » de l’album The Lady And The Lion. A la deuxième station du trajet de l’omnibus, la féérie musicale est toujours bien présente !

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Pour le 3eme arrêt, c’est du côté du Japon et du travail du grand dessinateur et réalisateur de films d’animation Hayao Miyazaki (2), que TSOP cherche et trouve son inspiration. Toki No Kaze (Wind Of Time), c’est 12 pistes et 75’ de perfection musicale, rien de moins ! Après une intro assez romantique au piano solo, « A Tear In The Sunset » prend un air très martial. Comment résister au charme d’un nouveau superbe interlude (« Fair Play ») au piano de David Myers qui vient à point nommé détendre un peu l’atmosphère avant le symphonique et puissant « Zero » ? Première piste chantée, « The Never Ending Line » est une ballade lente et contemplative, « Au contraire » de la piste suivante à nouveau grandiose et rythmée. La claviériste-chanteuse Yoko Tomiyama nous offre un moment céleste, chanté en japonais de surcroit, sur « Reality » tour à tour bondissant et soudainement ample et symphonique. Voici maintenant l’entrée en scène d’Antony Kalugin pour une « Bicycle Ride » plus contemplative qu’échevelée. La sérénité langoureuse de « Castle Blue Dream » et le rock plus volontaire de « The Spirits Around Us », nous emmènent vers le curieux et italianisant « Nausicaa e i Custodi della Vita » qui mélange allègrement voix enfantines et envolées à la Kansas. Le très jazz-rock et remuant « Think Green » nous amène à la piste finale, « La Magia è la Realtà », à nouveau chantée par Elisa Montaldo.

Quant à la dernière étape du voyage, Beyond The Wardrobe, j’avais eu le plaisir de le chroniquer dans ces pages et étant toujours globalement en accord avec ce que j’avais écrit à l’époque de sa sortie, je ne m’étendrai pas davantage. Cela dit, ayant réécouté l’album à la suite des 3 autres de ce coffret, une comparaison entre ces albums montre que ce dernier est moins symphonique que ses prédécesseurs (et que ses successeurs) et laisse place à plus d’éclectisme. On y trouvera du smooth jazz, du jazz, des inclusions de musique classique signées Mozart ou Bach particulièrement réussies, et à nouveau du chant en japonais. Parlons tout de même un peu des deux bonus inédits. Le premier, « Killing Hopes », de Marco Grieco fait entendre la superbe voix d’Elisa Montaldo, à la mélodie et aux harmonies voluptueuses. Tout aussi Italien, le deuxième bonus est composé par Alessandro di Benedetti et est également une vraie réussite, avec là encore un sens du développement musical convaincant et quelques tournures à la Steely Dan du plus bel effet.

A band can only be as good as the compositions they play est-il écrit dans le texte accompagnant le coffret. J’utilise volontiers à l’occasion de mon côté une expression anglo-saxonne plus générale et lapidaire, Garbage in garbage out, qui veut dire à peu près la même chose. Et c’est bien la grande qualité d’écriture musicale des nombreux compositeurs qui officient sur ces différents albums qui font la différence. Encore faut-il organiser et assurer la cohérence de cette profusion de musique et de talents. Nos trois Samurai, Marco, Kimmo et Steve, non contents de mettre leurs compétences d’instrumentistes sur quasiment l’ensemble des morceaux de ces 4 albums, assurent cette mission essentielle. Les musiciens montent et descendent de l’omnibus, partent et reviennent, au gré d’une route musicale qui arpente la terre aussi bien que les mers et les airs. Bon je ne vais pas vous faire le coup du cadeau de Noël en cette fin d’année 2021, mais pourtant c’est exactement ce qu’est cet étonnant coffret des Samurai Of Prog, comme de coutume abondamment illustré par un autre virtuose, Ed Unitsky !

(1) On peut aussi entendre « White Skies » sur l’album Canvas Two d’Inner Prospekt, avec toujours aux manettes Alessandro di Benedetti.

(2) Tout le monde a vu ou au moins entendu parler de Princesse Mononoké.

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4 sur 5

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