Crossing The Line

Par

(4.3 sur 5) / Melodic Revolution Records
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Rock Progressif

Si j’avais vu passer les albums d’Andrew Roussak pour tout un tas de raisons sans doutes plus mauvaises les unes que les autres, je n’en avais écouté aucun. Et puis je viens de laisser de côté cet acte manqué en écoutant son petit dernier, Crossing The Line. Parlons d’abord du musicien qui a fait ses classes de piano en Russie, dont on connait l’excellence de son école de piano. Sans oublier son bagage classique il s’intéresse rapidement au travail des John Lord, Rick Wakeman et autres Keith Emerson, qui n’ont pas manqué dans leur carrière et dans leur jeu de démontrer tout l’apport de la musique classique à leur talent. Plus tard, ce sera en Allemagne qu’il exercera ses talents de musicien professionnel.

Première écoute et un premier sentiment : énergie ! Puissance et détermination, sans agressivité aucune, une vélocité de quasi tous les instants qui ne vous laisse guère de répit. Il suffit d’écouter l’entame, « Invisible Killer » pour s’en convaincre. On flirte ici largement avec le hard rock et j’adore l’utilisation de l’orgue Hammond dans le pur style Deep Purple. La piste suivante, « Crossing The Line » démarre en mode néo-classique, puis monte à nouveau dans les tours dans un style plutôt neo-prog. Le mélange rock / classique fonctionne très bien.

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Andrew Roussak

Sur « Against The Tide » on entend à nouveau la voix au timbre particulier d’Andrew et de belles envolées de claviers et guitares. Encore une fois tout cela va vite, du moins jusqu’au milieu de piste où on passe en mode ballade chant et piano. « Nation For Sale » nous offre une intro plutôt allegro vivace avec ses lignes syncopées du plus bel effet. Thème ample et héroïque à la Kansas, intermède central au piano jazz, et puis le train à grande vitesse finit par ralentir pour terminer sur une nouvelle note classique.

Nouvelle pièce chantée, après un calme début acoustique, « Daily Lies » se lance dans une excellente danse au rythme syncopé avec des passages à 5 temps au balancement caractéristique. Vive les rythmes impairs ! « Just One Life », s’il conserve des éléments de hard rock classique, se réserve de nombreux passages acoustiques à la guitare et au chant polyphonique. Un peu avant 3’ ce chant polyphonique évoque même quelque cantique. La piste contient de nombreux changements de rythme et vers la fin nous avons droit à un excellent solo de synthé. On termine dans la lumière et l’apaisement du cantique polyphonique.

La dernière piste est une interprétation originale d’une suite en la mineur de Jean-Phillipe Rameau (1683-1764). L’auteur des Indes Galantes, contemporain d’un autre grand nom de la musique baroque mais dont la musique est fort différente de celle du français, Bach (1685-1750), livre ici sous le titre « Gavotte et Six Doubles » une pièce de clavecin. Il s’agit en fait un d’un thème (Gavotte) et 6 variations (*). Toute la science du musicien consiste à animer un thème unique en lui faisant subir différentes déformations mélodiques et rythmiques. En ce qui concerne le travail d’Andrew, si son jeu sur la Gavotte suit à la lettre le texte de Rameau, les variations suivantes s’en émancipent un peu tout en respectent parfaitement la dynamique et l’esprit. On quitte le clavier seul pour lui adjoindre orgue Hammond, guitare, batterie. Cela évite d’ailleurs une certaine monotonie inhérente au style de la variation sur un thème unique et au jeu d’un clavecin bien moins dynamique que celui du piano.

Par exemple dans la gavotte, Andrew joue à la fois sur le clavecin et fait les reprises sur l’orgue. Il n’est jamais facile d’interpréter ou d’utiliser des pièces classiques (en particulier du baroque) avec des instruments de la rock music, non pas en raison d’une supposée supériorité de la musique classique que l’on dénaturerait en agissant de la sorte, mais très pragmatiquement parce les lignes de contrepoint se prêtent difficilement à l’exercice. La musique de Rameau, moins rigoureuse (sur le plan du contrepoint) et plus « légère » que celle de Bach s’y prête finalement bien, comme nous le démontre ici magistralement Andrew Roussak.

Le style de ce Crossing The Line me fait également parfois penser à Arena, en particulier pour les passages neo prog « musclés », et aux qualificatifs déjà utilisés j’ajouterais volontiers que le musicien déploie un sens certain de la pyrotechnie et de la flamboyance. Bref, pour qui aime les claviers et une science musicale qui s’appuie volontiers sur les apports de la musique classique, cet album vaut le détour !

(*) Vous trouverez la partition de cette suite ici

Formation du groupe

Andrew Roussak : Tous les instruments, chant

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