A peine ais-je eu le temps de reposer mon stylo (façon de parler) après avoir chroniqué The Samurai of Prog featuring Marco Grieco et sa Time Machine, que je vois pointer un nouvel album du musicien / claviériste italien. En fait il participe ici à un trio, M.E.N., aux côté de Vincenzo « Enzo » Lardo et Nicola « Nick » Cruciani. L’album intitulé Spillover n’a à vrai dire pas grand-chose à voir avec le prog symphonique « classique » des compositions de Marco Grieco pour TSOP.
Première point à noter, l’album est enregistré selon un procédé holophonique, dont je n’avais jamais entendu parler. L’holophonie qu’est-ce donc ? D’après Wikipédia il s’agit d’une forme particulière d’enregistrement sonore qui est fondée (entre autres) sur l’hypothèse non prouvée, selon laquelle le système auditif fonctionne comme un interféromètre. L’holophonie a été créé par l’argentin Hugo Zuccarelli en 1980, durant ses études à l’École polytechnique de Milan. Les algorithmes de restitution de l’holophonie sont basés sur les équations intégrales liées aux équations de Helmholtz. Voilà qui est tout de suite plus clair, n’est-ce pas ? Plutôt que de vous pencher sur la résolution des équations intégrales (c’est chiant comme la pluie !), posez votre casque sur vos deux oreilles, car c’est ainsi que les caractéristiques sonores de l’holophonie s’expriment et ce au moyen de la localisation des sons.
Le rendu sonore au casque est effectivement tout à fait étonnant ! Mais les meilleurs effets spéciaux s’effacent devant la pauvreté d’un scénario, comme c’est malheureusement trop souvent le cas dans le cinéma moderne. Quid donc de la musique proposée par notre trio ? Si je vous dis psychédélique moderne / expérimental, ça reste vague et un peu global. 13 pistes au total sur les thèmes de la manipulation de l’homme et de la nature, de la possession et de la destruction, de la guerre, de l’incertitude quant à l’avenir, de la lutte pour la survie et de l’amour dans un monde chaotique. Diable, voilà qui semble bien sombre. 13 pistes mais 12 morceaux car le 10ème, « Interstate Change », ne fait qu’énoncer verbalement le choix vers une des trois destinations finales : « Hell », « Purgatory », « Heaven ». Mais bien sûr, tels Dante et Virgile en leur temps, pourquoi ne pas arpenter les trois et dans l’ordre afin de terminer par le Ciel et espérer un peu de lumière ?
La brève introduction instrumentale, « World Wide Weird » vous plonge brutalement mais sans agressivité dans l’univers sonore qui va parcourir l’album entier. « Everything », c’est le point de vue du Créateur, non pas du paradis terrestre mais de la société moderne dans laquelle cupidité et égocentrisme dominent. Cela dit, était-ce vraiment mieux avant ? J’en doute. Au final, un électro-pop qui ne manque pas d’attraits mélodique met tout cela en musique. « Human Eclipse » reprend le même style mais plus sombre et plus inquiétant encore, entre-autres avec la voix robotisée et les coups de boutoir de la rythmique. Moins brutal « Present Days » déroule une ambiance un peu apaisée.
Un petit trait musical façon Super Mario des années 80 lance « Mouths », porteur d’un peu d’espoir, ce qui se ressent dans les vocaux, malgré une musique qui reste parfois assez grinçante. « Keeping Safe » prend carrément l’allure d’une comptine plutôt harmonieuse ! Retour à la noirceur avec « Broken Kite », tandis que « Mother Earth » égrène son étrange mélopée en chœur, accompagnée par le sitar. « Past Days » offre des moments opératiques – superbe voix de Marco Grieco au passage -, dans le lent déroulement d’une ballade psychédélique.
Nous voici arrivés au pied de la Divina Commedia version M.E.N. « Hell » nous vaut un électro funk véritablement diabolique ! « Purgatory » est une longue ballade psychédélique qui se déroule dans une ambiance en demi-teinte, comme il sied pour cet entre-deux. On y entrevoit nettement le ciel, tandis qu’une étrange danse un peu avant la fin nous ramène à un rythme d’enfer ! « Heaven » … et si finalement nous retrouvions paix et bonheur ? L’introduction douce et harmonieuse nous y incite. Le morceau reste néanmoins assez heurté et parfois violent. Un petit moment plus calme vers le milieu nous donne quelques secondes d’une valse un peu comique. La coda se lance sur des battements de cœur, puis se déroule sur une musique et un chant grandioses, symbolisant l’alliance avec Dieu, carrément !
Spillover (*) des trois M.E.N. est un album plutôt original, moderne, dérangeant avec ses sonorités futuristes et sans concessions. L’expérience sonore, en particulier au casque, est assez spectaculaire ! Bref, projetez-vous quelques instants du côté obscur et que vous choisissiez l’Enfer ou le Ciel, vous n’en sortirez pas indemnes !
(*) https://maracashrecords.bandcamp.com/album/spillover
Formation du groupe
Marco Grieco : chant, piano, claviers, basse, batterie, guitares électriques et acoustiques, sitar, arrangements orchestraux, vocodeur, chœurs - Vincenzo Lardo : chant, guitares électriques et acoustiques, claviers, programmation, chœurs - Nicola Cruciani : chant, guitares électriques, guitares lap steel, chœurs.