Escenes

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(5 sur 5) / Movieplay
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Jazz fusion Jazz-Rock Rock Progressif

En Mars 1978 paraissait chez Movieplay, l’album ‘’Escenes’’.

La vague progressiste qui dans les années 70 essaima en Europe depuis le Royaume Uni, coïncida en Espagne avec la période post franquiste, une ère d’ouverture culturelle et d’effervescence créative qui permit l’émergence de plusieurs formations emblématiques de ce courant dans ses différentes déclinaisons : psyché (Màquina, Aquila…), symphonique (Granada, Asfalto, Fusioon, Coto En Pèl), jazz-rock/fusion (Iceberg) ou folk (Haizea, Mezquita, Itoiz.. .) parfois mêlé de flamenco (Triana, Azahar, Imàn Califato Independiente).

Puisant pêle mêle dans ce large spectre, Gòtic reste indéniablement l’une des formations les plus marquantes du rock progressiste ibérique au cœur de cet âge d’or. Ce groupe catalan fut créé à Barcelone à partir de Jordis, un duo orgue/batterie (Jordi Vilaprinyò & Jordi Marti) s’inspirant pour l’essentiel d’Emerson, Lake & Palmer. En 1977, ils s’associèrent au flûtiste Jep Nuix et au bassiste Rafael Escoté, deux autres musiciens de studio tout aussi chevronnés, pour former ce quartette. Appuyé ponctuellement par deux guitaristes, Gòtic ne publia qu’un album, mais quel album !… Enregistré à Barcelone (Estudios Gema) en Novembre et Décembre 1977, ce répertoire entièrement instrumental fut souvent comparé, et à plusieurs titres, au ‘’Snow Goose’’ de Camel. Pour autant, nous découvrions à l’écoute de ses sept plages, une musique à la croisée de plusieurs styles.

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Comme le montrait d’emblée ‘’Escenes De La Terra En Festa I De La Mar En Calma’’, elle associait un jazz rock rappelant à la fois le courant américain (Weather Report, Return To Forever) et en Angleterre, la scène de Canterbury (Caravan entre autres), à des climats contemplatifs et oniriques, comme dans la sublime partie centrale de ce premier morceau. Autour de ces paysages contrastés, l’instrumentation était dominée d’une part, par les claviers électriques de Jordi Vilaprinyò, synthétiseur, Minimoog et surtout Fender Rhodes, et par la flûte de Jep Nuix, élément soliste central. Sur ‘’Imprompt’’ tourné vers une fusion progressive, cette savoureuse interaction entre ces deux musiciens était ponctuée à 3,45 minutes par un solo de guitare électrique de Josep Albert Cubero, invité ici et sur deux autres plages. Puis le piano acoustique et la flûte installaient un climat quasiment impressionniste sur ‘’Jocs D’Ocells«  dans un calme et une sérénité qui renvoyaient encore à Camel ou encore aux groupes transalpins Celeste (‘’Pincipe Di Un Giorno’’) et PFM (‘’L’Isola Di Niente’’, ‘’Per Un Amico’’). Sur une transition atmosphérique au Fender Rhodes, la flûte omniprésente ouvrait avec entrain la marche de ‘’La Revolucio’’, entrainée aux baguettes par Jordi Marti, et appuyée par les notes du bassiste Rafael Escoté et les claquements de mains de trois des musiciens.

Avec ‘’Dança D’estiu’’, qui fit l’objet du seul single, le groupe introduisait des éléments de son folklore catalan dans cette pièce à laquelle le thème conduit une fois de plus par Jep Nuix, donnait alternativement des airs de sardane barcelonnaise entrainée avec légèreté par la section rythmique, ou émaillée de motifs de Moog, clavinet et orgue. Autour de ces mêmes textures, le flûtiste (toujours lui) ajoutait une touche de mélancolie à ‘’I Tu Que Ho Veies Tot Tan Facil’’, comme au fil des 10 minutes de l’envoûtante ballade  ‘’Historia D’Una Gota d’Aigua’’ qui refermait l’album. La guitare classique, hackettienne et (naturellement) hispanisante du second invité Jordi Cordina, introduisait la douce mélodie de cette pièce majeure du disque, caressée par quelques touches sensibles à la six-cordes électrique de J.A Cubero et l’orgue de Jordi Vilaprinyò dans une légère teinte baroque, venant enrichir davantage encore, les ambiances pastorales de piano et flûte. Le majestueux final de ce morceau nous laissa d’autant plus sur notre faim, que le groupe fut malheureusement dissous l’année suivante.

Néanmoins, près de quatre décennies plus tard, des enregistrements datant de l’Automne 1978 dans ces mêmes studios de Barcelone furent exhumés par un label japonais et remasterisés au profit d’un second et ultime album autoproduit (‘’Gegants/Serpentines’’) en 2016. Sur ses huit plages, nous retrouvions le claviériste Jordi Vilaprinyò, le bassiste Rafael Escoté et le batteur Jordi Marti, entourés de deux nouveaux musiciens, le guitariste Eugeni Gil et le flûtiste Agusti Brugada. Il offrit une très belle suite à ‘’Escenes’’ dans ce savant patchwork de prog symphonique et jazz-rock fusion.

‘’Escenes’’ fut remasterisé en Espagne en 2003 puis 2023 dans une édition CD Digipack contenant un livret illustré et documenté de 8 pages.

Formation du groupe

Jep Nuix : flûte, flûte piccolo - Jordi Vilaprinyó : piano, piano électrique Fender, clavinet, Mini-Moog, violon, Hammond - Rafael Escoté : basse, gong - Jordi Martí : batterie, percussions - Avec : - Jordi Codina : Guitare classique (7) - Josep Albert Cubero : guitares acoustiques et électriques (2,6,7) - Jordi Vidal : bruitages

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5 sur 5

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