Le 26 Mars 1976, un an après le sublime album instrumental « The Snow Goose » (avril 1975), Camel, au sommet de son art, publiait chez Decca ce quatrième opus souvent considéré comme la quintessence de ce groupe britannique originaire du Surrey. Toujours autour de son line up originel, le quartet emmené par Andrew Latimer enregistra ‘Moonmadness’ aux studios de Basing Street (ex Island) à Londres sous la patte experte de l’ingénieur du son Rhett Davies qui avait notamment produit trois ans auparavant pour Genesis « Selling England By The Pound« . L’album fut d’abord marqué par un retour au chant sur un registre désormais loin des aspirations et d’une complexité parfois canterburienne qui animaient « Mirage » (mars 1974) ou du caractère conceptuel de « Snow Goose« , au profit d’un rock progressif à la fois énergique dans ses changements de rythmes et délicat par sa haute mélodicité et ses climats éthérés.
Suite à la courte plage d’introduction « Aristillus » majoritairement soutenue aux claviers par Peter Bardens. « Song Within A Song » était une pièce lyrique portée par la flûte et la six-cordes d’Andy Latimer. Cependant, la voix du bassiste Doug Ferguson fragilisait ce morceau qui allait d’ailleurs être repris deux ans plus tard sur le « Live Record » avec cette fois, au chant, Richard Sinclair. « Spirit Of The Water » apportait au milieu de ce répertoire, un doux et vaporeux intermède signé par Peter Bardens, un thème que Camel allait régulièrement reprendre lors de ses concerts. La parfaite cohésion du groupe amena les deux principaux compositeurs Andy Latimer et Peter Bardens à dédier un morceau, tel un portait musical, à chacun des musiciens. Ce sont assurément quatre des plus belles pièces du répertoire camélien. Ainsi « Chord Change » illustrait le tempérament versatile de Peter Bardens par sa complexité et ses cassures de rythme successives. Andrew Latimer livrait ici, sur une Gibson ES 175, l’un de ses magnifiques solos aériens que relayaient les nappes d’orgue du regretté claviériste disparu en 2002. Pour traduire la personnalité du pragmatique et solide bassiste Doug Ferguson fut écrit « Another Night« , un rock à la fois lent et à la rythmique puissante, inhabituel alors chez Camel, mais dont nous retrouverons des réminiscences dans « Dust And Dreams » sur des sonorités toutefois plus modernes. Quant à l’humilité et au flegme typiquement anglais d’Andy Latimer, « Air Born » répondait par la douceur d’une ballade bucolique bercée par un ensemble flûte, piano, Rhodes, nappes de synthétiseur et guitare acoustique. Dans la conception de ce morceau, Andy Latimer avait (en toute modestie) imaginé l’équivalent en rock progressif, du mouvement lent d’une symphonie de Vaughan Williams. Enfin, le caractère à la fois excessif et facétieux du talentueux batteur Andy Ward inspira la dernière plage « Lunar Sea« , autre pièce majeure et classique de concert qui, au fil de ses neuf minutes, témoignait de toute la ferveur de quatre musiciens se lâchant peu à peu dans une envolée instrumentale jubilatoire.
Malheureusement, après « Moonmadness« , les tensions étant palpables, le groupe allait connaître, autour d’Andy Latimer, un éclatement graduel de ce line up avec les départs successifs de Doug Ferguson, Peter Bardens puis Andy Ward. Il s’ensuivra une discographie fluctuante dans l’accueil du public, mais comptant toutefois de belles réussites comme « Rain Dances » l’année suivante et surtout « Nude » en 1981, puis, pendant les années 90, un retour remarqué avec deux nouveaux albums-concepts (« Dust And Dreams » 1991 « Harbour Of Tears » 1996).
Formation du groupe
Doug Ferguson : basse, chant sur "Within A Song" - Andy Ward : batterie, percussions, voix de "Aristillus" - Peter Bardens : claviers, chant sur "Spirit OF The Water" - Andrew Latimer : guitares, flûte, chant