Interview de Leslie Mandoki (ManDoki Soulmates)

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Leslie Mandoki, le leader de ManDoki Soulmates, nous avait enthousiasmé en 2021 avec Utopia for Realists – Hungarian Pictures, un album exceptionnel à plusieurs titres. Tout d’abord parce que ce disque, enregistré avec des musiciens incroyablement talentueux, conjugue la dimension symphonique du prog rock avec la virtuosité du jazz rock, sur la base des partitions de Bela Bartok combinées à des compositions plus personnelles de Leslie. Et également parce que ce disque est porteur d’un message fort, avec cette idée maîtresse selon laquelle la musique a le pouvoir de rassembler les hommes pour répondre aux défis de notre ère.  Les messages de Leslie sont d’ailleurs, en filigrane, très fidèles à l’esprit même de Bartok qui avait écrit Hungarian Pictures presque comme un acte de résistance contre la menace du national-socialisme (Bartok ayant achevé son œuvre en 1931). Leslie Mandoki, artiste pleinement engagé, est de retour en 2024 avec un excellent nouvel album intitulé A Memory of our Future (chroniqué ici) avec cette même volonté de créer une prise de conscience et plus encore de nous associer à son combat. Et nous avons eu le bonheur de le rencontrer dans les bureaux parisiens de Sony France. Une interview passionnante avec une personnalité emblématique de l’univers prog-rock qui a encore énormément de choses à dire.

ProgCritique : Comment vas-tu Leslie ?


Leslie Mandoki : Je vais très bien, merci. Je suis très occupé en ce moment. Je suis revenu il y a peu de Tokyo. J’étais à Budapest dimanche, où j’ai joué un concert avec Mike Stern et Al Di Meola. Le lendemain, nous avons tenu une conférence de presse pour présenter de nouvelles vidéos. Et hier, j’ai participé à une émission télévisée à Munich. Demain, j’ai une autre émission télé à Leipzig, puis je m’envole pour New York ! Bref c’est rythmé ! (Ndlr : rires)

ProgCritique : Et aujourd’hui, en plus de tout ça, tu as devant toi une journée entière d’interviews à Paris !


Leslie Mandoki : Bien sûr, mais c’est génial, j’adore ces moments d’échange.

ProgCritique : La dernière fois que nous avons échangé (Ndlr : en 2021), tu m’as dit : « Utopia for Realists est, dans chaque tonalité, dans chaque mesure et syllabe le meilleur album que j’aie jamais écrit. Et cela sera d’autant plus difficile pour moi d’en écrire un autre par la suite». Dès lors, la première question qui s’impose est : comment t’es-tu attelé à ce nouvel album A Memory of our Future?

Leslie Mandoki : Les choses se sont faites de manière assez étrange. Pendant longtemps, très honnêtement, je ne pensais vraiment pas écrire de nouvel album. Et puis, tout s’est fait de manière soudaine : nous étions en tournée, une tournée anniversaire, et tout se passait d’ailleurs très bien. Mais, je me suis subitement retrouvé dans un état mental particulier, non pour des raisons d’ordre personnel, mais au regard de l’état du monde : toute cette folie politique, ces multiples divisions, la guerre, la sortie du COVID etc…Un véritable labyrinthe de crises… Et je me suis mis à écrire, non pas parce que je voulais spécifiquement créer un nouvel album, mais parce que ce processus m’a fait du bien, jouant en quelque sorte le rôle d’une soupape pour moi, tu vois ce que je veux dire. Et par la suite, j’ai commencé à partager ces nouveaux titres, juste comme ça, avec tous ces incroyables musiciens qui m’accompagnaient sur la tournée. Et là, Tony Carey (Ndlr : claviériste de Rainbow) m’a dit : « Leslie, je te déteste vraiment… » (Ndlr : rires)

ProgCritique : Pour quelle raison ?


Leslie Mandoki : C’est ce que je lui ai demandé. Il a souri et m’a répondu : « Tu écris comme si tu avais 25 ans. Nous avons tous écrit nos meilleures chansons ou nos classiques à 25 ans. Et toi, tu continues à écrire avec cette conviction, cette intensité et cette rébellion dans le cœur. Je crois qu’il faut vraiment enregistrer ces nouveaux morceaux sans tarder ».  Alors, j’ai dit : « OK ». Et tout s’est enchaîné rapidement Nous avons commencé à évoquer cette perspective avec le groupe. Et c’est là qu’Al Di Meola (Ndlr : doit-on présenter cette pointure du jazz fusion ?) m’a demandé : « Leslie, est-ce que tu as toujours tout ce super matériel analogique dans ta cave ? » J’ai répondu : « Oui, bien sûr, Je crois que j’ai toujours toutes ces machines mais elles sont scellées. » Il m’a dit : « Eh bien, peux-tu vérifier si tout ça fonctionne encore ? ». Et je m’y suis employé dès mon retour de tournée. Je les ai transportées au studio et j’ai commencé à les tester. Le résultat était merveilleux. Tout fonctionnait et le son était parfait. C’était fantastique. Je peux te dire que la restitution sonore de cette vieille MK3 était incroyablement impressionnante. Alors, j’ai appelé tout le monde : « Eh, vous savez quoi ? Tout est prêt ! ». Et avec cet album, nous avons décidé d’écrire une lettre d’amour manuscrite à notre public. (Ndlr : Leslie mentionne souvent en interview que l’enregistrement en analogique équivaut à « écrire une lettre d’amour à la main »).

ProgCritique : Je me souviens que tu avais dit ça. Une très belle analogie.


Leslie Mandoki : J’ai écrit les partitions à la main, au crayon. Normalement, je programme et j’imprime. Là, c’était une approche avec un esprit complètement différent. Nous nous sommes tous réunis, nous nous sommes assis au piano, avec une guitare acoustique, et nous avons vraiment  travaillé ensemble. À ce moment-là, nous avons tous ressenti que ça allait être notre meilleur album. Nous sentions que nous allions encore repousser nos limites.

ProgCritique : Cela veut dire que tu as commencé à travailler sur les paroles et les chansons pendant cette période ?


Leslie Mandoki : Non, tout était absolument écrit avant les sessions, la musique comme les paroles. Avec le groupe, il s’agissait davantage de réarranger des choses que j’avais laissées en stand-by ou de se mettre d’accord sur les questions encore en suspens, du type « Allons-nous répéter le refrain deux fois ou partir sur une modulation ? ». En général, je programme tout, je visualise les arrangements et j’entends déjà les cuivres. Mais là, le travail a pris une tournure encore plus collective. Et nous avons beaucoup travaillé ensemble. Mais la base des compositions, les chansons elles-mêmes, avaient été entièrement écrites avant d’entrer en studio. Il s’agissait donc plutôt d’en affiner les détails et les contours.

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ProgCritique : Le titre de l’album lui-même A Memory of our Future  est très évocateur. Que penses-tu que les auditeurs retiendront de l’écoute de cet album, en termes de message global ?


Leslie Mandoki : J’espère qu’ils comprendront que nous ne pourrons sortir de cette crise labyrinthique que si les anciens rebelles et les jeunes rebelles s’unissent. (Ndlr : le thème de l’unité transgénérationnelle est très fort chez Leslie). Cela doit être un effort commun face aux multiples crises que nous traversons.

ProgCritique : Cette expression, A Memory of our Future, est-ce une manière de dire : « Faisons bien les choses maintenant pour ne pas avoir honte de nous dans dix ans » ? Et dans ce thème est-ce qu’il y a aussi l’idée selon laquelle nous semblons avoir perdu la mémoire, devenant ainsi amnésiques face au passé, ainsi qu’en témoigne, par exemple, la montée du populisme en Europe ?


Leslie Mandoki : Oui, tout à fait. Si tu écoutes les paroles, lorsque je critique, à titre d’exemple, les réseaux sociaux, c’est précisément pour cette propension à être dans une immédiateté fugace, passant constamment d’un sujet à autre pour, au bout du compte, ne rien retenir du tout, ce qui est un véritable désastre. Mon ambition, avec la musique, c’est de bâtir des ponts entre les gens. La musique est le plus grand unificateur. Laisse-moi te donner un autre exemple. Imagine deux personnes qui discutent et qui ont des opinions totalement opposées sur une question fondamentale, comme l’immigration. Il y a quarante ans, ces deux personnes se seraient retrouvées dans une même pièce, auraient débattu, ouvert une bouteille de vin, et peut-être auraient-elles fait un pas l’une vers l’autre. Pour finir, elles se seraient serré la main ou même donné une accolade après une soirée enrichissante. Mais aujourd’hui, on ne s’assoit même plus avec quelqu’un qui pense différemment, on est immédiatement dans la détestation et on s’y emmure. En 1989, lorsque le mur est tombé, il y avait tellement d’amour autour de nous. Aujourd’hui, cet amour a disparu, remplacé par la haine. Et c’est de ça que parle cet album. Nous voulons continuer à parler haut et fort pour un monde meilleur, un monde plus humain, articulé autour de la défense des valeurs fondamentales. Car malheureusement, le monde s’est engagé sur une mauvaise voie. Une voie qui a tout l’air d’une impasse.

ProgCritique : Et cette « pièce » n’existe plus d’ailleurs. On ne parle plus face à face, mais derrière des écrans, ce que tu décris amplement dans le titre  « Devil’s Encyclopedia »…


Leslie Mandoki : Exactement. Et aujourd’hui, on a pris l’habitude de volontairement éviter les personnes qui ne partagent pas nos opinions. C’est une grave erreur, car nous devrions tout faire pour favoriser le débat et discuter face à face. Si nous perdons le goût du vrai débat sincère, nous finirons par savonner nous-même la planche sur laquelle nous nous tenons déjà à peine en équilibre.

ProgCritique : Donc, tu maintiens toujours ta célèbre devise : « Tolérance zéro pour l’intolérance » ?


Leslie Mandoki : Oui, je m’y tiens. Comme je le dis dans une des chansons de l’album (Ndlr : « The Big Quit ») : « Les périodes difficiles forgent des gens durs, les gens durs créent des périodes faciles, les périodes faciles engendrent des gens mous, et ces derniers créent en retour des périodes difficiles. » C’est là où nous en sommes, dans une sorte de cercle vicieux.

ProgCritique : Dans « The Big Quit », tu sembles dire qu’on est peut-être devenus trop mous, qu’on abandonne trop facilement face à l’adversité. Je me souviens d’une phrase de ton album précédent : « Nous avons faim de vie, mais nous sommes trop paresseux pour nous battre. » Alors, peut-on inverser la tendance ?


Leslie Mandoki : C’est précisément une des questions soulevées par l’album. Pour moi, on peut changer la donne si les anciens rebelles et les jeunes rebelles joignent leurs efforts. Actuellement, il y a trop de divisions. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il faut revenir aux valeurs fondamentales de l’humanité. Cette haine doit cesser.

ProgCritique : Mais comment réunir ces générations ? Comment transmettre ce message aux jeunes, surtout via le rock progressif, alors qu’une frange majoritaire de la jeunesse écoute du rap aujourd’hui ? Dans ce genre musical, je ne trouve pas de messages à la portée aussi puissante que les tiens. Comment réduire ce fossé ?


Leslie Mandoki : Ce ne sera pas facile. Ce qu’on peut faire, c’est rassembler autour d’évènements musicaux capables d’attirer les jeunes. Les maisons de disques, elles, peuvent intégrer notre musique dans des playlists pour lui donner une meilleure visibilité. Elles ont encore un rôle à jouer. Et toi, en tant que média, tu peux propager le message. Nous pouvons tous apporter notre pierre à l’édifice.

ProgCritique : Utopia for Realists comporte une grande part autobiographique. C’est encore le cas ici, notamment avec Matching Box. Y a-t-il d’autres expériences personnelles ou historiques qui t’ont inspiré pour écrire ce nouvel album ?


Leslie Mandoki : Oui, bien sûr, il y a des éléments personnels, pas seulement politiques. « The Wanderer », par exemple, est doublement autobiographique. D’une part, cela évoque mon départ de ma ville natale (Ndlr : Leslie a fui son pays, la Hongrie, à l’âge de 22 ans pour échapper au régime communiste). D’autre part, cela parle du moment où mon fils a quitté la maison, en grandissant. Ces expériences, ce sont des chapitres de ma vie que je traduis en musique

ProgCritique : Certaines paroles portent un message très lourd, presque anxiogène, comme « Blood in the Water » ou « The Big Quit », et pourtant la musique est très enjouée. C’est un sacré contraste…


Leslie Mandoki : C’était totalement voulu. Je voulais être très ironique et cynique. La musique enjouée permet de créer ce décalage.

ProgCritique : Dans « Blood in the Water », tu dis : « For my final comeback / pour mon dernier retour ». Puis, dans  « My Share of Your Life », tu indiques : « I have not written yet my last song  / Je n’ai pas encore écrit ma dernière chanson». Comment lire entre les lignes ? Est-ce ton dernier album ou continueras-tu à écrire ?


Leslie Mandoki : Il y aura encore beaucoup de musique à venir, c’est sûr. Mais peut-être que je me battrai moins, publiquement, sur le front politique. Je préfère recentrer ma voix sur la musique en elle-même. J’ai réalisé que des générations entières de politiciens sont prisonnières du système des réseaux sociaux. J’en ai assez de crier dans le vide. J’ai envie de leur dire : « Allez, les gars, c’est votre boulot de trouver des solutions. » Je suis un peu déçu par le leadership européen, pour être honnête.

ProgCritique : Comment t’impliques-tu concrètement en dehors de la musique ?


Leslie Mandoki : Je participe à des émissions-débat. J’ai des contacts avec les plus hauts niveaux politiques à Bruxelles, Munich et Berlin. Pour être honnête, comme je te le disais, je suis particulièrement déçu par Bruxelles. Je n’ai pas de souci avec quelqu’un ayant une opinion totalement différente de la mienne. Ce que je critique, c’est le manque d’action. Et je ressens que les gens vont souffrir à cause du piètre niveau des décisions politiques. C’est pourquoi il y a ces messages qui paraissent ambivalents dans mes paroles et que tu as relevés. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il y aura toujours plus de musique.

ProgCritique : Excellente nouvelle. En parlant de politiciens, s’il y avait un leader politique que tu pouvais rencontrer en privé, ici et maintenant, qui serait-ce et pourquoi ?


Leslie Mandoki : En réalité, j’ai déjà rencontré ceux que je voulais. Par exemple, je me souviens de longues discussions avec Mikhaïl Gorbatchev au sujet de l’effondrement du communisme, de la chute du Rideau de fer et de l’émergence de la liberté individuelle en Hongrie et dans d’autres pays d’Europe de l’Est. Je suis très reconnaissant que Mikhail soit venu à plusieurs de nos concerts. Nous avons passé du temps ensemble après les shows, en coulisses, et il a même visité mon studio. Cela m’a fait du bien car j’ai toujours été farouchement anti-communiste. Ce système était diabolique. Mais, au final, je reste un musicien. Mon sens politique se limite à ma responsabilité envers mon public.

ProgCritique : Dans une des chansons de A Memory of our Future, tu dis : « We’re going very fast, but we don’t know where we’re going / Nous allons certes très vite, mais sans savoir où nous allons. ».


Leslie Mandoki : Nous ne partageons plus la compréhension des valeurs fondamentales : ce qui est bien ou mal, ce qui nous est dicté ou ce qui ne l’est pas et comment gérer tout ça. Je comprends que certaines personnes soient absolument apolitiques, qu’elles disent : « Hé, je ne veux pas entrer dans le débat. Je suis juste serveur ou chauffeur de taxi. Fais ton boulot et je fais le mien, point. » Mais c’est dommage. Tiens, un autre sujet essentiel à mes yeux  : les banques d’investissement, ce système qui n’est qu’une forme de spéculation. J’ai entendu quelqu’un dire que c’est un secteur « vital pour le système ». Je lui ai répondu : « Un professeur est vital pour le système. Une infirmière, un médecin le sont également. Un journaliste, qui tente de démêler le vrai du faux dans cette surcharge permanente d’information dans ce monde à l’attention limitée, est également vital. Tous ces gens le sont, mais pas celui qui spécule pour faire fortune sur la faillite d’une entreprise. » Il faut faire un reboot du système. Le système bancaire est devenu un casino capitaliste qui nuit aux gens. Mais est-ce que la société a le pouvoir d’en discuter ? Bien sûr que non. De changer cela ? Évidemment non.

ProgCritique : Parlons maintenant des musiciens qui t’accompagnent sur cet album. Tu continues à travailler avec beaucoup de légendes, mais tu as aussi de nouvelles têtes cette fois sur ce disque. Je pense, par exemple, à Simon Phillips ou à Mark Hart. Comment les as-tu convaincus de te rejoindre ?


Leslie Mandoki : Simon m’a donné son numéro pendant un concert de Toto. Il se trouve que je joue la plupart des parties de batterie sur mes albums. Mais je considère Simon comme le plus grand batteur de tous les temps. Je voulais collaborer avec lui et l’occasion s’est tout simplement présentée après ce concert. Mark Hart avait déjà tourné avec nous. On est devenus amis. Il a joué avec Crowded House, puis Supertramp. C’est un type adorable et un chanteur formidable. Et pour la première fois, on a aussi travaillé avec Jesse Siebenberg, chanteur de Supertramp, qui a apporté une sacrée valeur ajoutée.

ProgCritique : Qu’a-t-il apporté spécifiquement à l’album ?


Leslie Mandoki : Quelque chose entre autres de totalement inattendu : une guitare électrique lap steel. C’est un instrument rare, et il a créé des couches sonores dignes de Pink Floyd. C’était fabuleux.

ProgCritique : Parmi les plus grands moments des sessions studios de cet album, quels sont ceux qui t’ont marqué ?


Leslie Mandoki : Le fait de se retrouver ensemble était, en lui-même, tout simplement incroyable. J’ai aussi de super souvenirs avec Richard Bona  (Ndlr : bassiste américain virtuose récompensé aux Victoires du jazz en 2004) qui s’est révélé une fois de plus incroyable. C’est le deuxième album qu’il enregistre avec nous. Sa manière de jouer et de chanter est magique, notamment le duo avec ma fille sur A Memory of Our Future. C’était tout simplement magique.

ProgCritique : Au bout du compte c’est toi le leader, même si c’est ManDoki Soulmates est une véritable famille. Comment fais-tu en sorte pour que tous ces musiciens  puissent s’exprimer ? Comment trouvent-ils leur place ?


Leslie Mandoki : Eh bien, cette question ne s’est jamais posée. Il n’a jamais été question de « Leslie nous dit quoi faire, il est omniscient, il décide, et c’est tout. ». Voici comment fonctionne le processus de travail : premièrement, comme je l’ai mentionné plus tôt, les chansons sont absolument écrites de manière claire avant d’entrer en studio. Ensuite, nous nous réunissons pour ce que j’appelle une « lecture de répétition » . C’est à ce moment que nous retravaillons un peu les choses, du genre : « OK, peut-être qu’on pourrait allonger ici, ajouter une modulation là. Et si on doublait ce thème ou qu’on le jouait sur un rythme différent ? » Ce genre de trucs, tu vois. Ensuite, nous sommes prêts à enregistrer. L’étape suivante, c’est donc l’enregistrement. Puis, la quatrième étape est de faire éventuellement quelques overdubs, en particulier sur les voix. Mais c’est aussi le moment, pour cet album en particulier, où nous avons écrit et enregistré les arrangements de cuivres. Et enfin, vient le temps du mixage.

ProgCritique : Peux-tu nous parler du premier morceau, la genèse de la partition de Ian Anderson à la flûte ?


Leslie Mandoki : C’était très simple. Dans ce cas précis, j’ai créé un clic et j’ai joué la figure musicale aussi pour m’entendre au clavier, juste pour moi, parce que dans les deux morceaux, « Devil Encyclopedia » et « Blood in the Water », la flûte est seule. Je l’ai joué pour moi-même pour mémoriser la structure de la chanson. Ensuite, je l’ai écrit. Voilà comment ça se passe. Lorsque j’ai des doutes, je fais une programmation rapide pour écouter.

ProgCritique : Ressens-tu avec le recul que la dynamique a changé entre les musiciens, sachant que la plupart d’entre eux jouent avec toi depuis des décennies ?


Leslie Mandoki : C’est beaucoup plus détendu aujourd’hui. Tout est plus facile. On se connaît si bien. Et la seule véritable dispute qui puisse surgir, c’est au sujet des repas : qui va cuisiner aujourd’hui ? (Ndlr : Rires)

ProgCritique : Tu as traversé plusieurs époques musicales. Y a-t-il une époque que tu regardes avec plus de nostalgie ?


Leslie Mandoki : Oui, il y a une époque en particulier : entre la fin des années 60 et le début des années 70. À cette époque, il n’y avait ni industrie ni structures figées. C’était une époque de fous géniaux avec un cigare au bec et des individus incroyables. Des types comme Jimi Hendrix, des groupes comme Queen, Pink Floyd, Supertramp, Led Zeppelin, Deep Purple, etc. Chacun avait son propre génie et proposait une musique vraiment différente, un son unique, etc. Alors qu’aujourd’hui, tout n’est que répétition. Ce n’est pas l’époque en elle-même qui me manque, mais le système d’alors. Bien sûr, il y avait aussi de la musique médiocre, ce que j’appelle la musique bubblegum. Mais on avait de grands musiciens rock, tous très différents. Et les patrons des labels étaient vraiment à la recherche de ces individualités.

ProgCritique : Penses-tu que c’est la manière dont l’industrie était structurée qui permettait cette créativité ? Ou est-ce que les années 70 étaient simplement une époque où la créativité a atteint son apogée ?


Leslie Mandoki : Les deux.

ProgCritique : Aujourd’hui, tout le monde peut enregistrer un album. Les choses sont beaucoup plus faciles. Et pourtant, on n’a pas le sentiment que la qualité ait énormément progressé.


Leslie Mandoki : Il y a de la qualité, mais elle est bien cachée, malheureusement, dans ce flux incessant et énormissime de sorties d’albums. C’est très difficile de sortir du lot. Crois-moi, j’en ai parlé avec ma fille et mon fils.

ProgCritique : Par curiosité, quel genre de musique écoutent-ils ?


Leslie Mandoki : Mon fils écoute beaucoup de choses, y compris de la musique électrique et électronique. Ma fille, en revanche, écoute strictement de l’acoustique. Elle joue un rock acoustique très moderne. Mais elle adore écouter de vieux disques acoustiques, comme ceux de Joan Baez. Elle m’a accompagné récemment à Séoul et Tokyo. C’est un génie, elle est vraiment douée.

ProgCritique : Quels sont tes projets immédiats pour l’avenir ?


Leslie Mandoki : Je serai en tournée pour promouvoir l’album jusqu’aux vacances de Noël. C’est intense, mais j’adore ça. Ensuite, début janvier, ce sera une nouvelle année, avec une énergie toute neuve !

ProgCritique : Super ! Tes projets incluent-ils un retour en France pour des concerts ?


Leslie Mandoki : Bien sûr, absolument. J’ai un dîner ce soir avec le management pour en discuter justement (Ndlr : le dernier passage de ManDoki Soulmates en France date de 2017 pour la tournée Wings of Freedom)

ProgCritique : Merci beaucoup, Leslie, pour ton temps aujourd’hui. Je sais que ton agenda est chargé avec des interviews toute la journée. Bonne continuation!


Leslie Mandoki : Avec plaisir. Merci à toi !

Remerciements à Olivier Garnier (REPLICA promotions).

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