Interview de Karl Groom de Threshold

Par

(5 sur 5)
Categories
Métal Progressif

Interview de Karl Groom (Threshold) réalisée par Stéphane Rousselot via zoom le 17 Octobre 2022.

Remerciements à Valérie Reux (InsideOut Management)

Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Karl Groom, guitariste, compositeur et membre fondateur du groupe anglais Threshold dans le contexte de la sortie de leur 12ème album studio ‘Dividing Lines’, qui paraîtra officiellement le 18 Novembre 2022. Un disque exceptionnel, dont vous pouvez retrouver la chronique sur ce site, qui fait suite au non moins remarquable et monumental ‘Legends of the Shires ‘(2017). Nous en avons profité pour bien sûr évoquer en premier lieu l’actualité du groupe, à savoir ce nouvel album, mais aussi pour revenir sur ce qui fait l’unicité de Threshold dans le paysage musical prog-metal et enfin sur le travail de Karl en tant que producteur et plus particulièrement pour ce qui est de sa collaboration avec Pendragon.

ProgCritique : Merci beaucoup Karl de ta précieuse disponibilité aujourd’hui. C’est un privilège de pouvoir échanger avec toi, notamment dans le cadre de ce nouvel album, ‘Dividing Lines’, que j’ai eu la chance de pouvoir découvrir en avant-première. Avant d’évoquer l’album, je te propose qu’on revienne quelques instants sur Threshold et plus particulièrement sur ce qui fait l’essence même du groupe. Lorsque vous avez débuté, le métal progressif était pratiquement inexistant. Depuis, ce style est devenu un genre à part entière avec une multitude de groupes. Si tu devais expliquer à un béotien ce qu’est Threshold et ce qui distingue le groupe dans le panorama actuel, que dirais-tu ?

Karl Groom : Je dirais que nous avons été plutôt chanceux car nous sommes effectivement arrivés avant l’éclosion de ce genre appelé métal progressif. La difficulté même du métal progressif est que beaucoup de gens pensent savoir, rien qu’à l’énoncé du terme, à quelle musique s’attendre ; un domaine musical étroit et contingenté … alors que cela ne devrait pas être le cas. En ce qui nous concerne, ce sont de vraies relations d’amitié qui sont à l’origine du groupe. On a commencé par jouer des reprises et, graduellement, l’envie d’écrire notre propre musique s’est manifestée. Etant donné que certains d’entre-nous étaient foncièrement fans de groupes progressifs comme Genesis, Pink Floyd et Rush et que les autres étaient plus attirés par des groupes fondamentalement métal tels que Testament (NDLR : groupe de trash metal américain) on a tout simplement décidé de réunir et d’intégrer ces différentes influences pour créer au final quelque chose de nouveau. Bref, ça s’est fait de manière vraiment très organique. On s’est mis à jouer ce qui allait devenir du métal progressif sans réellement y penser. A l’époque on avait le sentiment de n’être, somme toute, qu’un groupe de metal classique avec de fortes inclinaisons progressives. Et nous n’étions même pas à la recherche d’un deal avec une maison de disques ! Donc pour résumer l’approche de Threshold, nous avons une démarche très mélodique intégrant des motifs progressifs, ce qui nous octroie cette liberté de développer notre musique comme bon nous semble et au-delà d’un cadre trop restrictif. Tu sais, le rock progressif a été une vraie révélation pour moi. Je n’y connaissais quasiment rien et c’est au contact de certains des membres du groupe que j’ai commencé à découvrir et apprécier cette musique. C’est comme ça que j’ai découvert Genesis par exemple, groupe que j’ai par la suite écouté pendant des années. J’ai même travaillé depuis, en tant que producteur, avec d’autres pointures de la scène musicale progressive. A l’écoute de tous ces groupes exceptionnels, je me suis rendu compte que j’étais passé à côté de vrais bijoux musicaux pendant toutes ces années. Et depuis lors, comme je viens de te le dire, ça a été un réel privilège de travailler avec certains de ces groupes.

image

ProgCritique : On va bien sûr évoquer et revenir sur ton rôle de producteur un peu plus tard dans cette interview. Pour moi, un des éléments clés de d’ADN de Threshold c’est également cette singularité dans les sujets abordés et en corollaire, la qualité des textes. Un propos assez unique dans ce domaine. Je me souviens que, dès votre premier album (‘Wounded Land’), vous aviez traité des sujets fortement teintés de conscience environnementale. A quoi tient cette démarche ?

Karl Groom : Pour être honnête, à l’époque où nous n’étions encore qu’un groupe jouant dans le circuit des pubs et que Jon Jeary, le bassiste, était notre parolier, on écrivait des paroles assez insipides, rien à voir avec ce qu’elles sont maintenant. Puis subitement les choses se sont précipitées ; on nous a proposé de participer à une compilation et suite à cette compilation, on a reçu deux offres pour un contrat discographique. Et là, on s’est dit qu’il fallait se ressaisir et commencer à mieux travailler notre propos côté textes. Je savais quelle direction musicale je voulais prendre et John, quant à lui, a dit « Je vais me recentrer sur des sujets plus sérieux et, surtout, m’atteler à des choses qui me tiennent vraiment à cœur. On verra ce que ça donne. Si ça ne plait pas, ça ne sera pas la fin du monde. Après tout, ce n’est pas comme si c’était nous qui avions fait le forcing pour signer un deal avec une maison de disques ! ».  Mais en fin de compte, ça a très bien marché et, comme tu l’as mentionné, on a défriché des sujets avec ce premier album (NDLR: 1993), qui n’étaient pas au goût du jour il y 30 ans, notamment toutes ces problématiques environnementales. Et depuis, on n’a eu de cesse de garder cette ligne directive. J’ai toujours été fier des paroles que John a écrites. Et fort heureusement, quand John a quitté le groupe en 2003, Richard (NDLR: Richard West), notre claviériste, a repris la main avec le même succès. On est donc passés sans heurts d’un lyriciste à un autre. Avoir le même degré d’exigence pour les textes comme pour la musique est absolument fondamental pour nous. Tu sais, quand on faisait nos premières armes, à la fin des années 80, les groupes de cette époque avaient souvent ce que j’appelle des « paroles jetables » . Du style, « On a la musique, maintenant il nous faudrait un texte, de quoi allons-nous parler ? » (NDLR: rires). Nous, à contrario, on a commencé à développer cette thématique centrale dont on ne s’est jamais réellement départis depuis. Et bien souvent, John avait écrit les paroles avant même que je ne lui donne la musique. Il notait ses idées dans un carnet qu’il a conservé ! On est allé chez lui il n’y a pas si longtemps et il a ressorti ce carnet de notes qu’il avait en fait commencé bien avant de rejoindre le groupe. Il nous a montré notamment des textes qui ont fini sur le troisième album de Threshold et dont on ne soupçonnait pas l’existence à l’époque. Il avait donc réfléchi à ces sujets bien avant qu’on ne commence à prendre avec plus de sérieux l’écriture de notre musique. Mais très clairement, à l’époque où on écrivait une musique de piètre qualité, qui nous permettait à minima d’apprendre à jouer de nos instruments, il ne proposait pas ces textes-là mais plutôt des textes assez ridicules, comme en résonance (NDLR: rires). On a progressivement amélioré notre jeu. Et John a commencé à proposer de très bons textes.  Notre premier album reflète déjà cette formule. Un point de départ à partir duquel on n’a eu de cesse d’évoluer.

ProgCritique : Avec Richard, vous êtes tous deux les compositeurs principaux du groupe. C’est Richard qui écrit exclusivement des paroles ou est-ce que tu y contribues également ?

Karl Groom : Non, non, je ne compose que la musique. Notre manière de bosser est la suivante ; je crée une démo dans sa globalité, à l’exception des lignes vocales, que j’envoie ensuite à Richard. C’est lui qui écrit les paroles et définit la mélodie. Il enregistre le tout et me le renvoie. Ensuite on procède ensemble à quelques ajustements, aux derniers arrangements si besoin est. Lorsqu’on est satisfaits du résultat, c’est soit Richard, soit, bien souvent, sa femme (NDLR: Farrah West, ‘League of Lights’), qui pose sa voix sur les titres. Et ensuite, on partage cette première version avec le groupe. On s’est  rendus compte avec l’expérience que de travailler des démos sans se préoccuper de savoir quel chanteur va officier au final sur l’album nous permettait de créer avec beaucoup moins de contraintes. De toute façon, même si tu as écrit quelque chose qui te paraît différent du son habituel du groupe, il y a un ajustement naturel qui se fait toujours d’une manière ou d’une autre lorsque tu passes à l’enregistrement studio. Lorsque le chanteur pose sa voix, il procède forcément à ces quelques ajustements et tout se recentre aussitôt assez naturellement. Donc, pour nous, c’est mieux d’avoir cette liberté dans l’écriture sans avoir en tête la contrainte d’un style chant. Et ça nous donne également la flexibilité nécessaire pour réfléchir différemment, expérimenter et éviter de reproduire le même son sur chaque album. Au final c’est une formule qui nous a plutôt bien réussi au fil des années !

ProgCritique : C’est certain. Et je suppose que c’est une démarche qui a eu encore plus de sens dans le contexte des changements assez fréquents de chanteur que vous avez vécus. Cela vous a donné cette flexibilité et cette agilité en quelque sorte…

Karl Groom : Exact !

ProgCritique : Parlons maintenant de l’album. Sur le papier ça pouvait paraître compliqué de faire aussi bien que ce chef-d’œuvre absolu qu’est votre précédent album, ‘Legends of the Shires’ (NDLR: la meilleure vente du groupe à ce jour). Et pourtant vous avez renouvelé l’exploit et réussi un nouveau coup de maître avec ‘Dividing Lines’ ! Dans quel état d’esprit étiez-vous à l’heure de vous atteler à ce nouvel album ? Avez-vous ressenti une pression quelconque pour ‘Dividing Lines’ ?

Karl Groom : Je pense qu’il y avait clairement une certaine pression sur nos épaules ! Je me souviens que ma femme m’a dit « Vous avez vraiment réalisé un album exceptionnel avec ‘Legends of the Shires’. Clairement, l’un des meilleurs albums de la carrière du groupe. Qu’est-ce que vous allez faire maintenant » ? Et j’ai répondu: « Je n’y avais pas vraiment pensé jusqu’à ce que tu en parles. Maintenant, ça y est, j’ai vraiment la pression ! ». J’aurais préféré qu’elle ne dise rien (NDLR : Rires). Et puis tu sais, avec le recul, nous avons failli faire une grossière erreur pour ce nouvel album. Au départ on avait évoqué la possibilité de partir de ‘Legends of the Shires’ pour lui donner une suite. On avait même vaguement trouvé un titre, ‘Fall of the Shires’, qui au demeurant sonnait un peu négatif (NDLR: ‘Fall’ en anglais étant à la fois « l’automne » au sens littéral et figuré et la « chute »). C’est là que Glynn (NDLR: Glynn Morgan, officiant au chant depuis son grand retour en 2019) est intervenu. Il avait clairement le sentiment qu’on faisait fausse route. Notamment parce qu’on n’avait jamais écrit dans un cadre déjà déterminé ou avec des idées déjà arrêtées. Et ça a eu soudainement du sens pour moi. Je me suis tout d’un coup rendu compte qu’on était en train de repartir d’une structure que nous avions déjà créée sur notre dernier album et qu’on allait se contenter de la compléter avec nos nouveaux morceaux. Bref, pas la bonne approche, d’autant plus que le groupe a toujours eu pour volonté de bien différencier chaque nouvel album du précédent. D’ailleurs, usuellement, à l’heure d’écrire un album, on s’imprègne de ce qui se passe autour de nous, dans le monde, dans la vie des gens, et de leurs réactions face aux évolutions de leur environnement. Et ce processus créatif aurait été impossible si on s’était laissés enfermer dans la suite qu’on envisageait de donner initialement à ‘Legends of the Shires’. Heureusement que Glynn nous a ouvert les yeux. A partir de là, on est donc repartis d’une page blanche. Et une autre raison pour laquelle il aurait été très compliqué d’envisager une suite, c’est que Glynn souhaitait également écrire des titres sur ce nouveau disque. En comparaison, l’album ‘Legends of the Shires’ n’avait été principalement composé que par Richard et moi-même, à l’exception d’une compo (NDLR: « On the Edge », écrite par le bassiste Steve Anderson). A deux c’est beaucoup plus simple d’écrire un concept- album. Mais là, avec trois compositeurs, ça devenait plus difficile de construire un concept et de bâtir de manière cohérente l’histoire qui en découlerait. Donc on a fini par privilégier une autre approche. On s’est mis d’accord sur le thème global, sur ce qu’on voulait couvrir en termes de contenu et on s’est dit qu’on adapterait les titres en fonction. Avec une règle simple : si la compo que tu écris ne convient pas, on l’oublie, on passe à autre chose, on en écrit une différente jusqu’à ce qu’on en soit tous satisfaits etc… In fine, c’était totalement la bonne décision, d’autant plus qu’au sein de Threshold, j’ai toujours le sentiment qu’on fait constamment des aller-retours entre nos racines progressives et nos racines plus metal. Avec cette propension à alterner un album plus prog avec un album plus sombre et plus lourd. ‘Legends of the Shires’ était très prog à ce titre et c’était sa grande force. Et ‘Dividing Lines’ fait donc office d’album plus sombre et plus lourd (NDLR : rires). Au final je crois profondément que de suivre notre instinct naturel, comme nous le faisons habituellement, était la meilleure chose pour l’album !

image

ProgCritique : ‘Legends of the Shire’ était un concept album, avec notamment plusieurs niveaux de lecture, ce qui n’est pas le cas de ‘Dividing Lines’. Quel est néanmoins le thème global de ‘Dividing Lines’. Quels sont les principaux sujets que vous souhaitiez aborder cette fois-ci ?

Karl Groom : L’idée du titre de l’album nous est venue de l’une des compos de Glynn (NDLR: « Let It Burn »). Il y avait cette expression « Dividing Line’s » quelque part dans le texte. Et soudainement tout s’est éclairé car ce verbatim couvrait en lui-même la globalité de ce à quoi on faisait référence tout au long de l’album. Et on s’est aussi rendus compte plus tard que la thématique bouclait également d’une certaine manière avec ‘Subsurfac’, un album de 2004, qui contenait une forte dimension politique. Le thème de ‘Dividing Lines’ est plus que pertinent aujourd’hui au regard de l’évolution du monde politique, avec toute cette propagande, cette censure, cette corruption et l’avènement de cette ère post-vérité (NDLR: terme utilisé pour décrire l’évolution des interactions entre la politique et les médias au 21ᵉ siècle, du fait de la montée en puissance de l’usage social d’internet). Et la montée des extrémismes ! Tout autant de choses contre lesquelles nous essayons de lutter depuis des années. Tu sais, on a toujours été fiers d’avoir une forte proportion de centristes dans notre pays (NDLR: Le Royaume-Uni) et ce, même si on a changé de gouvernement, passant de la droite à la gauche. Nous n’avons jamais éprouvé une si grande impression de division dans le pays. Et cette division à l’intérieur même de la population est quelque chose qui m’écœure. Les politiciens en sont à l’origine et l’alimentent à leurs propres fins, pour leur propre intérêt. Et c’est nous qui devons ensuite en payer le prix fort, en subir les conséquences. On se retrouve dans cette situation où les gens se détestent et passent leur temps à blâmer les autres pays, les rendant responsables de leurs propres problèmes. Il y a aussi cette propension détestable en politique de tromper les gens avec des informations fausses ou avec un trop plein d’informations. Cela finit par ébranler tes convictions et par te faire douter. Ainsi, par exemple, au Royaume-Uni, il est arrivé que des politiciens martèlent le même message, même si c’est un mensonge éhonté, jusqu’à ce que les gens commencent à l’accepter et le prendre comme une vérité absolue (NDLR: le Brexit étant un bon exemple). C’est un mécanisme incroyable. Tu sais au départ que c’est un mensonge. Mais par la suite, tu l’entends tellement de fois que tu commences à souscrire au message et cela finit par prendre une ampleur démesurée. On est arrivés à un tel niveau de crise au Royaume Uni que j’espère vraiment que nous sortirons de cette impasse. J’aimerais retrouver un pays plus uni et également renouer nos liens avec le reste de l’Europe. Nous ne voulons absolument pas devenir ce pays qui blâme les autres pour ses propres problèmes. Les relations avec l’Europe sont fondamentales, en particulier pour les musiciens. C’est extrêmement compliqué de travailler en Europe maintenant pour notre profession. Et j’ai beaucoup d’amis dans différents pays, tu sais. Je ne suis pas quelqu’un qui vit recroquevillé avec des œillères sans prise directe sur l’extérieur. Cela a été une période vraiment déprimante à bien des égards, de ce point de vue, mais je suis convaincu qu’il y a une lumière au bout du tunnel car nous arrivons à un moment de notre histoire où les gens ne peuvent plus faire confiance aux extrémistes de tous bords.

ProgCritique : Cette volonté de diffuser une multitude d’informations qui ne fait qu’accroître la confusion c’est, il me semble, entre autres le thème du titre « Complex » (NDLR: troisième single de l’album). Avec en corollaire ce thème clé de la perte de confiance dans les institutions…

Karl Groom : C’est exact. C’est le principe même du ‘gasligthing’ (NDLR : terme idiomatique anglais). Est-ce que tu connais le terme ?

ProgCritique : Non, je ne connais pas cette expression…

Karl Groom : OK, donc le terme ‘gaslighting’, c’est quand tu crées une confusion complète dans l’esprit des gens en les manipulant avec trop d’informations, ce qui les amène à remettre en cause ce en quoi ils croient profondément. Alors oui, c’est bien l’un des thèmes de l’album. Et comme je te le disais tout à l’heure, il y a une certaine connexion avec l’album ‘Subsurface’ de 2004, ce qui est plutôt sympa au demeurant. Et dans le même ordre d’idées, lorsque j’ai écrit la chanson « Complex » et que je l’ai donnée à Richard pour qu’il travaille sur les paroles, il a reconnu quelque chose dans le son qui évoquait un peu le morceau « Mission Profile » (NDLR: de ‘Subsurface’). Et ça l’a incité à adapter le texte en conséquence… comme par souci de cohérence (NDLR : Rires).

ProgCritique : Je tenais également à mentionner le superbe artwork de l’album. Pourquoi ce choix essentiellement monochrome et que vouliez-vous restituer avec cet artwork ?

Karl Groom : On recherchait bien sûr quelque chose qui mettrait en exergue le thème de la division. Je ne sais pas si nous avons réellement bien réussi à le représenter. Mais il y avait quelque chose d’autre dans cet artwork que nous avons choisi au final et que Richard avait remarqué dès le premier coup d’oeil. Il y a vu quelque chose qui lui rappelait ‘Hypothetica’ l (NDLR : 5e album studio du groupe), notamment de par les couleurs mais surtout au travers de cette ville flottante dans le ciel. Au départ, je lui avais envoyé le contact d’un artiste qui proposait différentes œuvres. Il a vu celle à laquelle j’avais pensé pour l’album et puis, en regardant ce que proposait par ailleurs l’artiste, il a été attiré par cet artwork en particulier. Je lui ai dit « Bon, d’accord, je vais jeter un œil ». Et franchement c’était un bon choix. Il y avait un lien évident et une continuité avec ce que nous avions fait de par le passé. Non seulement avec ‘Hypothetical’ mais aussi, de manière plus lointaine, avec ‘Wounded Land’ (NDLR: 1er album studio) puisque la pochette de l’album représentait ce monde en suspension intégré dans un globe. Ce détail est devenu de plus en plus central pour notre choix final. Et il s’avère que c’était juste la meilleure idée possible pour cet artwork. Pour nos deux derniers albums, plutôt que de dire à un artiste « Voici les thèmes et les paroles de l’album, peux-tu réaliser quelque chose en conséquence ? », ce qui est toujours hasardeux, nous avons préféré chercher parmi des artworks existants quelque chose qui conviendrait le mieux à notre message principal. C’est d’autant plus simple de nos jours que tu trouves plein d’artistes talentueux qui mettent à disposition leur portfolio en ligne. Tu peux sélectionner rapidement différents artworks et te dire « Oui ça peut fonctionner » ou « Il faudra juste ajuster deux trois trucs et ce sera parfait pour nous ». On s’est rendus compte que c’était la manière de travailler qui nous convenait le mieux. Et pour l’artiste également au demeurant.

ProgCritique : Je reviens sur ce commentaire que tu as fait tout à l’heure, ce processus créatif qui fait que vous composez sans penser particulièrement au type de chanteur qui sera derrière le micro pour l’album. J’ai pourtant l’impression qu’avec le retour de Glynn, vous avez redonné à votre musique une dimension plus brute et plus agressive…

Karl Groom : Je ne pense pas que le retour de Glynn au sein du groupe ait influencé mon écriture. Mais certainement, quand la voix qui se pose sur la musique est plus rugueuse, cela rend le son du groupe plus heavy. Si on avait eu un chant clair comme celui de Damian (NDLR: Damian Wilson), l’album sonnerait peut-être un peu plus doux ou un peu plus progressif. Et à y réfléchir il se peut que, de manière subconsciente, le type de chanteur oriente légèrement le processus d’écriture. Mais pour ‘Legends of the Shires’, tout avait été écrit et enregistré avant que Glynn ne rejoigne le groupe. On avait quasiment bouclé l’album. Donc, tu vois, cela n’a pas pu influencer l’écriture dans ce cas précis. On a donné à l’époque à Glynn toutes les démos qu’on avait réalisées. Il en apprenait quelques-unes, puis venait poser son chant. Il en apprenait d’autres et revenait et ainsi de suite.  Cela a constitué un travail colossal pour lui car l’album faisait environ 83 ou 84 minutes. Bref, énormément de musique à apprendre. Et tu ne peux pas simplement apprendre une ligne, la chanter, en apprendre une autre, la chanter etc… Tu dois appréhender la musique dans sa globalité et à minima comprendre la structure de la chanson avant de t’attaquer au chant si tu veux réellement faire un bon boulot. Donc, il avait déjà suffisamment à faire sans avoir à se soucier de réarranger les compos. D’ailleurs, il n’y a qu’une seule ligne que nous avons ajustée, de mémoire, sur « Trust the Process« . On a réécrit le refrain parce qu’il était positionné trop haut. Cela fonctionnait avec une voix féminine lorsqu’on en était au stade de la démo. Mais ça s’est révélé un peu au-delà de la portée de Glynn. On a donc juste recréé une mélodie légèrement différente. Et il se trouve que c’était mieux pour les chœurs également de toute façon. C’était donc une bonne chose.

ProgCritique : Il y a une chose qui me frappe aussi avec Threshold : en dépit de vos compétences techniques indéniables, vous ne vous laissez jamais aller à des développements instrumentaux trop longs. C’est un choix artistique ?

image

Karl Groom : Oui, car les développements instrumentaux ne constituent pas notre raison d’être. Comme je te le disais, on n’a pas vraiment commencé notre carrière avec cette étiquette musicale de « metal progressif ». Donc nous n’avons jamais réfléchi par rapport à des codes précis. Et de mon point de vue, pour ce qui est des parties instrumentales, qu’il s’agisse de claviers ou de guitares, celles-ci doivent toujours correspondre à une extension de la mélodie. Donc, ça doit être mélodique avant tout. C’est pour ça que lorsque j’écris les chansons, j’ai une approche bien précise pour créer les parties instrumentales. J’utilise mon téléphone et c’est en marchant, dans un parc par exemple, que je compose par le chant les développements que je veux pour les parties instrumentales. Je préfère ne pas utiliser la guitare ou les claviers car si tu fais ça tu te retrouves inéluctablement à suivre des schémas automatiques avec tes doigts qui obéissent à une certaine mémoire. Donc, tu joues quelques notes et puis tu te dis « Ah je sais ce qui vient après ça, c’est un sol dièse puis un la etc.. ». Et tu retombes dans de mauvaises habitudes. Donc, je préfère mille fois le faire en chantant car je ne me sens pas du tout contraint. Et c’est la mélodie qui prime alors, plutôt que la technique. Une fois que j’en ai posé les bases sur mon téléphone, je reprends ma guitare ou mes claviers pour passer à l’étape suivante et qui sait, apporter une touche plus technique là où j’en ressens vraiment le besoin pour x ou y raison. Je ne dis pas qu’il faut éviter les développements instrumentaux mais il faut en profiter pour les rendre mélodiques, voire pour apporter de nouvelles mélodies.

ProgCritique : Je suis conscient de ce que je viens de dire il y a une minute. Mais en même temps j’ai le sentiment que vous avez développé un peu plus les parties instrumentales sur cet album. Je pense par exemple au break du titre d’ouverture « Haunted« . Je pense aussi aux deux épiques de l’album (« The Domino Effect » et « Defence Condition« ).

Karl Groom : Je crois qu’on avait déjà développé pas mal les parties instrumentales sur notre avant-dernier album, comme sur « The Man Who Saw Through Time« , avec un instrumental qui avoisine les quatre ou cinq minutes. Mais tu sais, c’est vraiment un processus organique. Quand nous nous mettons à écrire, on ne se dit pas « Il faut écrire un titre super long, un autre de telle longueur et un autre qui serait comme ci plutôt que comme ça etc.. ». Donc, quand il s’agit de la section instrumentale, si tu ressens qu’une pause avec le chant est nécessaire ou que tu ressens le besoin d’intégrer des éléments différents, alors bien sûr il faut suivre ton instinct. Et très logiquement également, quand quelqu’un entreprend d’écrire une compo assez longue, il est probable qu’il y ait plus de passages instrumentaux, tout simplement parce que tu as plus d’espace pour développer amplement la musique. Notre approche n’a jamais été d’aborder les chansons en faisant un couplet et un refrain puis en les dupliquant, mais plutôt de penser à ce qui constituerait la suite la plus naturelle du morceau. Et comment développer ce morceau plutôt que d’attaquer directement le refrain. Et voir vers quels horizons emmener la musique, quitte à prendre une direction complètement différente ! C’est là que la dimension de la musique progressive intervient, t’accordant une pleine liberté. C’est d‘ailleurs cette liberté qui m’a le plus frappé lorsque j’ai découvert le rock progressif en écoutant, par exemple, Rush ou Genesis. Ainsi que cette inventivité côté structure des morceaux. Et c’est ce qui rend si intéressant la musique pour l’auditeur, cette propension à te faire voyager tout au long d’une compo.

ProgCritique : Si on met de côté les changements de chanteurs, on a l’impression qu’il y a une grande stabilité dans le line-up depuis des années. Quelle est la recette de cette stabilité et de l’alchimie entre Richard, toi-même et le reste des membres du groupe ?

Karl Groom : D’abord je voudrais préciser que ça n’a jamais été un objectif pour nous de procéder à des changements de line-up. Mais quand tu es plus jeune, tu peux avoir des désaccords sur ce que tu veux faire et puis quelqu’un peut se marier, avoir des enfants et décider qu’il ne veut plus voyager etc… Bref, il y a toutes sortes de raisons pour expliquer des mouvements au sein d’un groupe. Mais une chose est sûre, on a développé ce noyau dur au sein de Threshold à partir du moment où Richard et moi sommes devenus en quelque sorte les principaux compositeurs. Quels que soient les changements à venir, on est convaincus que nous pourrons y faire face car nous avons cet ancrage solide et savons quel cap le groupe doit garder. Et lorsque de nouveaux venus rejoignent le groupe, ils développent progressivement une compréhension de cette direction. Ce qui nous permet de garder intacte la philosophie du groupe, une dimension primordiale. Mais tu sais, même à nos débuts il y avait un alignement complet avec Jon (NDLR : Dreary) et Nick (NDLR : Midson) et on comprenait ce qu’ils avaient en tête. Ils ont été des membres clés du groupe pendant de nombreuses années et cet esprit s’est perpétué après leur départ. Donc, on n’a pas radicalement changé le son du groupe au fil du temps. Nous espérons simplement l’avoir fait évoluer à l’aune de notre apprentissage. Le fait que Threshold ait un son identifiable est quelque chose dont on est fiers. Et comme je l’ai dit, quand nous avons commencé, nous avons eu la chance de ne pas avoir d’idées préconçues concernant le métal progressif. Cela a été notre force. Et d’ailleurs, autant que je sache, il n’y a pas vraiment de clones de Threshold à ce jour (NDLR: rires).

ProgCritique : Absolument ! Parlons un peu de ton rôle en tant que producteur. Tu as travaillé avec de nombreux groupes, mais celui qui me vient immédiatement à l’esprit c’est Pendragon. Il est assez fascinant de constater que tu as produit tous les albums du groupe de Nick Barrett, de ‘The Window of Life’ à ‘Love over Fear’, le tout dernier album de Pendragon. Et pourtant, de tous les membres de Threshold, tu es celui qui a le background le plus métal. Alors, comment en es-tu arrivé là et comment t’es-tu retrouvé à bosser avec Nick?

Karl Groom : Eh bien, très simplement, il se trouve que nous partagions une maison à l’époque  (NDLR: très usuel au Royaume-Uni au regard du prix prohibitif des logements). On partageait des moments du quotidien et regardait des films ensemble. Bref on a appris à se connaître. Nick savait que le son c’était vraiment mon domaine. Et c’est pour ça qu’il m’a demandé de lui filer un coup de main pour une de ses tournées. Piloter le son en live ce n’était pas forcément ma tasse de thé mais j’ai quand même dit oui. C’était pour la tournée de l’album ‘The World’. Je les ai accompagnés et il se trouve que ça lui a plu. Et quand il a attaqué l’album ‘The Window of Life’, c’est assez naturellement qu’il s’est tourné vers moi pour la production. Un détail amusant qui m’a marqué avec cet album, je me suis toujours fait la réflexion qu’il s’appelle plutôt ‘The Wind of Life‘ parce que le « ow » disparaît dans l’artwork. Regarde ça de plus près et tu verras (NDLR: Rires) !


ProgCritique : Je le ferai ce soir !


Karl Groom : Quand Nick a quitté la maison que nous partagions, il a acheté un petit cottage. Il a construit un bâtiment au fond de son jardin et en a fait un studio. Il m’a demandé « Est-ce que tu pourrais m’aider pour la production de l’album ? ». Et on s’est tellement bien entendus sur cette première collaboration qu’on a continué à travailler ensemble depuis lors. On a bossé sur un nombre incalculable d’albums studio et d’albums live ! Nous avons développé une compréhension mutuelle parfaite. C’est super agréable de travailler avec Nick ! Je pense que Pendragon a fait d’excellents albums. Pour moi, ils ont presque trois époques. Jusqu’à ‘The World’ pour la première partie, puis de ‘The World’ à peut-être ‘Believe’ et ensuite à partir de ‘Pure’. C’est avec ‘Pure’ qu’ils ont eu un troisième son, peut-être un peu plus heavy et plus basé sur la guitare. Nick a un sens incroyable de la mélodie qu’il imprime à ses solos de guitare et que j’adore. C’est un excellent guitariste, ce qui explique aussi le plaisir que j’ai toujours eu de bosser à ses côtés. Les solos de guitare de Nick sont comme son chant, ils portent littéralement la mélodie. J’ai également produit pas mal de groupes progressifs au fil des ans. Je crois que j’ai travaillé pour moitié avec des groupes métal et pour l’autre moitié avec des groupes de progressif. Des groupes comme Dragon Force sont des bons exemples côté metal. Et quelques groupes de metal plus extrêmes aussi. Et bien sûr j’ai donc travaillé avec certains des grands groupes progressifs, comme Yes et John Wetton par exemple. J’ai réussi à garder une certaine diversité entre tous ces groupes, ce qui rend mon job passionnant.

ProgCritique : Une question qui t’a probablement été posée à plusieurs reprises. Est-ce différent de produire ton propre album plutôt que de produire l’album de quelqu’un d’autre ?

Karl Groom : Oui ça l’est. Produire les albums des autres est certainement plus facile. Tu récupères toute la musique qui a déjà été enregistrée. Eventuellement j’enregistre de la batterie et des voix en plus. Mais c’est rare. Donc, je porte un regard extérieur sur ce qui a été fait et je peux voir tout de suite toutes les erreurs. Quand je travaille sur Threshold, j’ai besoin de quelqu’un d’autre pour échanger. Je fais un premier mix que j’envoie à Richard. Il me dit immédiatement, « Ecoutes, tu as loupé quelque chose ici. Et là, ça ne fonctionne pas etc… ». Ce sont des choses que je ne louperais pas sur l’album de quelqu’un d’autre. Mais là, avec Threshold, inévitablement je passe à côté ! Et Richard va me dire « Comment se fait-il que la voix soit si forte ». « Ah, bon ? » (NDLR : rires). Ou alors, « Où est passée la partie de claviers ? On ne l’entend pas là ! ». Comme ton esprit est encombré de tous les détails liés à l’enregistrement, c’est plus difficile de prendre du recul sur le moment. Donc, je compte sur Richard pour relever et me signaler toutes les erreurs de production qu’il perçoit. Je travaille avec un groupe symphonique autrichien qui s’appelle Edenbridge. Le guitariste est un de mes bons amis et j’aime particulièrement travailler avec lui parce qu’il me rejoint toujours pour coproduire l’album, ce qui me permet de résoudre beaucoup plus rapidement et facilement tous les problèmes car j’ai vraiment une autre oreille à mes côtés. Tu as toujours besoin de quelqu’un qui ne s’implique pas dans le processus, ce qui lui permet d’entendre immanquablement tous ces petits détails qui t’ont échappé. Dès la première écoute, cette personne va mettre le doigt immédiatement sur tous les défauts de production. Alors que si j’étais seul, je devrais terminer mon mix, le mettre sur mon téléphone, puis partir chercher les enfants à l’école ou quelque chose comme ça, et seulement ensuite commencer à l’écouter dans un environnement différent. Dans la voiture par exemple. Et c’est à ce moment uniquement que je me rendrais compte des erreurs de production !

ProgCritique : Est-ce qu’il y a un sujet que nous n’avons pas abordé et que tu souhaiterais que nous évoquions ?

Karl Groom : Comme tu le sais, ces deux dernières années ont été une vraie source de déception pour nous. Ne pas pouvoir partir en tournée à cause de la pandémie. Nous sommes passés à côté de nombre d’opportunités de promouvoir l’album ‘Legends of the Shires’. Le groupe a donc plus que jamais envie de reprendre la route, de jouer et de rencontrer à nouveau des gens. Car en tant que musicien, et même en tant que producteur, tu peux vite te retrouver à vivre de manière très isolée. Je vois ma famille évidemment. Et je vois quelques autres personnes. Mais la plupart du temps, tu sais, tout se fait à distance, les gens m’envoient des choses sur lesquelles travailler, je les renvoie et je leur parle, comme je te parle aujourd’hui (NDLR: par zoom). C’est cet isolement que tu peux finir par ressentir au plus profond lorsque tu n’es pas en tournée. Avec Threshold, presque tous les mois, on avait pour habitude de se dire « OK, on se voit le mois prochain », pour repartir quelque part, pour un concert ou pour une tournée de quelques semaines. J’aime cette sensation de communauté avec le groupe et aussi rencontrer des gens en tournée.  Tout ça me manque tellement. On n’en peut plus d’attendre. Et on est en train de finaliser certaines dates en ce moment. Alors j’espère que cela se concrétisera bientôt.

ProgCritique : Oui, j’ai vu que pour 2023 vous aviez déjà prévu de participer à certains festivals, je crois.

Karl Groom : On est dessus en ce moment et ce, pour différents pays d’Europe. On essaie également de caler une tournée au printemps pour promouvoir ‘Dividing Lines’.

ProgCritique : Excellente nouvelle. Vous devriez venir jouer au Hellfest en France ! C’est un énorme festival, avec plein de styles différents autour du métal, y compris un peu de prog (NDLR : pour mémoire le festival a même accueilli il y a quelques années le groupe Magma) et du prog metal!

Karl Groom : Oui, on aimerait bien jouer plus en France mais c’est traditionnellement assez difficile pour nous. Tu sais, notre follow-up en France n’est pas suffisamment conséquent. Nous essayons toujours de passer par la France mais ça se limite chaque fois à un ou deux shows et peut être des festivals. On serait ravis de jouer beaucoup plus en France, définitivement. Dans la dernière série de dates que nous avons faites à l’étranger en 2019, je pense que nous sommes allés quelque part en France…

ProgCritique : Vous avez joué à Toulouse, dans le sud de la France (NDLR : dans le cadre de ‘Ready For Prog Festival’).

Karl Groom : Oui c’est ça, c’était un festival. C’était top et vraiment agréable. Tu sais que j’adore venir en France donc, si quelqu’un souhaite nous faire jouer…

ProgCritique : Honnêtement, avec un album aussi incroyable que ‘Dividing Lines’ et après le fantastique ‘Legends of the Shire’, je m’attendrais à ce que ce soit le cas ! Je regarde l’horloge et je vois que nous avons déjà dépassé le temps imparti. Ça a été un réel bonheur d’échanger avec toi Karl. La musique de Threshold fait partie du paysage de nos vies. Merci beaucoup pour cela. Et félicitations pour cet extraordinaire nouvel album ‘Dividing Lines’.

Karl Groom : Eh bien, c’est un privilège pour moi d’échanger avec les gens à travers la musique. Et c’est quelque chose que j’apprécie vraiment !
Au revoir



🌍 Visiter le site de Stéphane Rousselot →

Partager cette critique

👇 Recommandé pour vous

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *