Curieux nom pour un groupe : Le Baron de Vincèse. Derrière ce patronyme aristocratique (musicalement, on peut trouver un lien avec The Aristocrats…) se cache un talentueux trio toulousain riche d’une quinzaine d’années d’expérience œuvrant dans l’instrumental, l’expérimentation, la recherche musicale, l’audace. On y trouve Elie Akkouche à la batterie et aux percussions, Tristan Lugimbuhl à la guitare et Lionel Culié à la basse et aux claviers. Leur quatrième album ‘Orbe’, aboutissement de six années de composition, a intégralement été réalisé par les trois musiciens. J’ai pu échanger avec Lionel Culié à propos du groupe et de l’album. Certains de ces échanges sont retranscrits dans la suite de cet article.
Évacuons de suite l’épineux sujet du style musical. Comme tout groupe expérimental ou d’avant garde, il est impossible d’associer une étiquette à la musique singulière du Baron de Vincèse. Bien entendu on y trouve du Rock Progressif, du Math Rock, du Post Rock, de la Fusion, du Noise Rock Alternatif, de la musique contemporaine, etc, etc…, mais c’est Lionel qui résume le mieux cette fausse problématique : “C’est le point clivant de notre musique. Il y a tellement d’influences que c’est quasiment impossible de nous faire rentrer dans un style ou un genre à part entière. Nous ne sommes d’ailleurs jamais totalement d’accord tous les trois. Dernièrement, on tente de se qualifier de groupe de Mathrock expérimental mais on a aussi eu une période Shoegaze, Jazzcore, Maltcore, Progressif Mathcore, Avant Garde… Bref, c’est compliqué de se trouver un style quand on compose sans bornes musicales. On fait peut-être du Baron Rock…” Et à propos des influences, le groupe cite : “King Crimson, And So I Watch You From Afar, The Dillinger Escape Plan, Town Portal, ni, Frank Zappa, Toe, Dub Trio, Sungazer, Primus, Key Motion Quintet…. On s’est aussi beaucoup nourri de musique classique, contemporaine, etc…”
L’album débute par un étrange objet musical “La Pelle I”, genre de melting-pot noisy, indus, à la rythmique bancale. N’y cherchez pas une douce mélodie, le groupe affiche clairement la couleur : expérimentation poussée sans compromis, difficile de faire moins mainstream pour démarrer. Il est en fait une intro pour le titre suivant “La pelle II” (en toute logique) qui développe ses idées sur une rythmique impaire et une guitare staccato dont le son gagne en épaisseur au fur et à mesure. A propos du découpage des morceaux, Lionel précise : “Ce sont des morceaux qui sont pensés pour ne faire qu’un, mais pour permettre aux auditeurs de naviguer plus facilement dans des musiques de 10-15 minutes, on a coupé en deux les plus longs. La pelle I est en fait l’introduction de la pelle II et la forge I et II sont en réalité un même morceau.”
La rythmique un peu Reggae-Dub en intro de “Ascalon” pourrait nous donner des envies de bouger. On assiste ensuite à une succession de rythmiques complexes sur un tempo soutenu qui fait pencher la balance du côté du Jazz. Il y a dans ce titre des passages d’une complexité tout à fait remarquable, qui parfois basculent dans une ambiance Free-Jazz-Noisy avant de revenir sur un motif rythmique mélodieux. Je cite à nouveau Lionel à propos du processus d’écriture : “Très souvent on part d’une base composée par un des membres. Cela peut être un rythme, un riff, un concept polyrythmique ou parfois un morceau quasi entier. Puis on va jouer dessus et le faire évoluer. Avec le temps, d’autres parties musicales se greffent. Tous nos morceaux sont composés à trois, chacun apportant sa touche personnelle. Le morceau ayant une ossature convenable passe plusieurs mois à évoluer jusqu’à ce que tout le monde soit content. L’idée directrice de tous nos albums est de composer le plus librement possible, parfois d’aborder des notions rythmiques que l’on ne maîtrise pas ou peu (5 pour 7 ou 3 pour 5 par exemple), ou bien de chercher des chemins harmoniques plus complexes.”
Vient ensuite le single “Sécurité Roudière” qui nous plonge dans une ambiance Sud-Américaine, avec renforts de percussions, avant de faire place à des interventions inspirées de guitare et de basse.
Faisant un peu figure d’intrus, “La Forge I” est le morceau qui a ma petite préférence, démontrant le talent mélodique du groupe dans une ambiance apaisée sortant un peu du tourbillon de folie du reste de l’ensemble. “La Forge II” revient au côté plus industriel de la musique du groupe, avec cette fois-ci une légère composante électronique.
L’ensemble des morceaux de l’album n’ont pas émergé du jour au lendemain dans une cohérence évidente, mais sont le fruit d’un long travail collectif comme en témoigne Lionel : “Composer un album avec le Baron a toujours pris du temps, que ce soit pour finaliser une composition, trouver du temps pour le composer, le financer etc… Notre groupe, qui a presque 15 ans maintenant, a beaucoup évolué depuis les bancs de la fac. Et puis le Baron fonctionne avec un système particulier : on compose un certain nombre de musiques puis à un moment on se dit « Ok, avec cela on peut faire un album », mais cela peut prendre plusieurs années avant d’arriver à cette décision. Composer un album n’est pas un but pour nous mais une finalité de nos expérimentations musicales.”
L’odyssée s’achève sur “Pâté gonflable” (qui sonne mieux que “Poupée en croûte”). Titre qui démarre sur un délicieux mélange de Jazz Bebop et de métal avant de faire place à un ensemble de ruptures, changements et virtuosités qui font la marque du groupe.
‘Orbe’ fait voler en éclats les repères stylistiques. Il déboussole autant qu’il intrigue. Le Baron de Vincèse y exprime sa volonté de chercher, d’innover, d’expérimenter, car sans bouger on n’avance pas. C’est en tout cas un témoignage éclatant de la liberté du groupe. Bien entendu, cette liberté à un prix car elle est fragile. Je laisserai donc le dernier mot à Lionel qui met en lumière notre rôle à tous : “Il est important que les lecteurs comprennent qu’il faut soutenir leurs artistes préférés sur les réseaux autant qu’en live. Il faut s’abonner et relayer sur les réseaux l’actualité des groupes. Désormais, il faut savoir que certaines scènes ne sont accessibles aux artistes que par le nombre de followers de leurs réseaux sociaux. C’est triste, mais c’est ainsi…”
Formation du groupe
Elie Akkouche : Batterie Tristan Lugimbuhl : Guitare Lionel Culié : Basse
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