Ce que j’apprécie lorsque je découvre un nouvel album d’habelard2 c’est que, justement, le mot découverte prend tout son sens. Vers quelle direction Sergio Caleca, multi-instrumentiste italien qui se cache derrière ce nom de scène un peu étrange, va-t-il orienter son 11eme album ? Tout d’abord, dans la droite ligne de ces précédents albums, et notamment de l’excellent Punti di Vista, Il Matto (Le Fou) contient pas moins de 13 morceaux dans lesquels l’impact des formes musicales concises l’emporte par rapport à de longs développements. Pas de temps faibles ici ! Par ailleurs, un chant totalement en italien est confié à Maurizio Guzetti, qui s’empare avec bonheur des thèmes proposés par Sergio Caleca.
« Risveglio » (Eveil) donne à entendre une marche décidée et la voix de Maurizio Guzetti dans un registre alto qui donne une certaine gravité à l’ensemble. « Propedeutico » (Préparatoire ou Propédeutique pour les amateurs de mots peu usités) reprend peu ou prou les mêmes ingrédients sonores que l’introduction. Le refrain avec son énumération de noms italiens en « o » est surprenant et excellent ! Plus mélodique « Dentro di me » (En moi) est également d’une belle richesse rythmique, avec un break central instrumental en crescendo des plus intéressants et un final tout en délicatesse acoustique, rappelant Genesis. La chanson-titre « Il matto » quitte les rythmes bien marqués des chansons précédentes, pour une calme et lumineuse balade à l’italienne, accompagnée essentiellement aux arpèges de la guitare acoustique et du piano. « Troppo facile » avec ses accords de clavier à la Supertramp et une ligne de basse agile viennent redonner du rythme et de la vitesse, du moins jusqu’à la longue coda soudain plus lente et marquée par les accords de piano en contretemps. « La luce se ne va » (La lumière s’en va), tout en contrastes rythmiques passe même en mode jazz rock / funk avant de revenir à une ambiance toute floydienne.
« Non ricordo » (Je ne me rappelle pas), la chanson centrale et sans doute le sommet musical de l’album, décline un rock progressivo italiano dans toute sa splendeur rythmique et mélodique. Un petit bijou ! « Incredibilmente » décline une autre facette du RPI dans sa composante lyrique inimitable. Guitares acoustique et rythmique lancent « Musica » avec de belles passes musicales entre voix et violon (alto ?), pour nous rappeler avec conviction cette évidence que tout peut changer mais que la musique demeure. « Metamorfosi » reprend en fait l’idée du court roman éponyme de Kafka, dans un mode moins noir, avec beaucoup de synthés et un intéressant rythme syncopé. « Lo specchio » (le miroir) s’en va crescendo, des délicates arpèges de la guitare jusqu’à une fin puissante. « Usa e getta » (Jetable), un court mais intense pamphlet contre le consumérisme, nous amène à la fin de cette étonnante collection de chansons. « Ai posteri » (Pour la postérité) avec piano et orgue Hammond nous ramène à des sonorités du début des seventies, pour une balade calme et empreinte de recul philosophique
Pour conclure, je trouve que ce nouvel album (*) d’habelard2 est sans doute un de ses meilleurs, et confirme une fois de plus la grande originalité et l’imagination d’un musicien italien de grand talent. Quand j’ai dit à Sergio Caleca que je trouvais particulièrement réussi le choix des textes et du chant en italien il m’a tout simplement répondu, non sans humour et avec beaucoup de modestie : « tu sais c’est plus facile pour moi d’écrire un texte banal en italien, qu’un texte important mais mal écrit (sous-entendu dans une autre langue) ». Quant à moi, ne maitrisant pas l’italien mais me référant à la traduction anglaise, je peux affirmer que ses textes sont savoureux, et la langue italienne, très chantante, est un plus indéniable !
(*) https://habelard2.bandcamp.com/album/il-matto-2
Formation du groupe
Maurizio Guzzetti : chant et chœurs - Sergio Caleca: claviers, basse électrique, guitare classique, acoustique et électrique, programmation batterie
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