Ce premier album de Fading Echoes surprend tant par la qualité de sa thématique principale que par son contenu musical, témoignant du réel potentiel de ce groupe grec formé en 2019. Le prog metal aux accents parfois mélancoliques développé tout au long de Shadow of Another possède déjà une identité propre, tout en étant teinté d’influences allant de Savatage (pour l’ambition narrative et l’utilisation du piano) à Conception (pour certaines intonations vocales), en passant par Redemption (pour la dynamique des compositions et la volubilité des solos).
La pièce maîtresse de cet album est « The Stages of Grief« , une longue composition épique d’environ 27 minutes, inspirée par le célèbre modèle de Kübler-Ross (« Les cinq étapes du deuil »), et donc logiquement structurée autour de cinq sections, illustrant avec précision le tourbillon d’émotions contradictoires ressenties face à la perte d’un proche. Ce modèle, établi en 1969, d’abord dans le contexte de malades en phase terminale, reste une référence de nos jours. Il est toutefois reconnu depuis que ces phases cohabitent et se chevauchent probablement, loin d’un ordre immuable allant du choc à la reconstruction (certains estiment d’ailleurs, à ce titre, que ce modèle, initialement descriptif, est devenu à tort prescriptif). L’approche musicale déployée ici est particulièrement singulière, car le principe directeur est de ne jamais répéter le même couplet ni le même riff (à l’exception du refrain de la cinquième partie) tout au long du morceau.
Dès les premières notes de la partie instrumentale « Part I – Denial« , l’auditeur est plongé dans ce drame intérieur vécu dans une solitude absolue. Les notes de piano évoquent l’incrédulité du protagoniste face au choc émotionnel de la perte, avant que la montée en puissance, soutenue par un solo inspiré, n’illustre un rejet profond de la réalité et l’édification d’un barrage mental, ultime mécanisme de défense pour tenter d’anesthésier la douleur. L’intensité dramatique s’amplifie avec « Part II – Anger« , marquée par un prog metal aux rythmiques appuyées et aux solos abrasifs, traduisant une révolte face à une injustice perçue (« My world turned to million pieces / Mon monde s’est brisé en mille éclats »), jusqu’à pointer un doigt accusateur vers les cieux (« Where were you? Hidden in silence. Detached from your creation / Où étais-tu? Réfugié dans le silence. Indifférent au fruit de ta création »). Cette rage sert aussi de combustible pour éviter de sombrer complètement et permettre de relever la tête. Passé le moment de la colère vient, avec « Part III – Bargaining », celui, illusoire, du marchandage. Et c’est sans aucun doute la partie la plus étrange du cycle du deuil puisque le protagoniste, perdu dans un labyrinthe d’émotions confuses, implore à genoux un dieu aveugle, offrant jusqu’à sa propre vie (« Take my soul, take my life, take it all / Prends mon âme, prends ma vie, prends tout ») pour tenter d’effacer la douleur et de revenir au temps d’avant. Musicalement, cette partie est plus lumineuse et moins metal, écho d’une espérance, aussi chimérique soit-elle. À cet espoir de courte durée succède inéluctablement « Part IV – Depression« , marquant une phase d’abattement intense devant ce constat amer de l’irrévocabilité de la perte (« I can’t believe that this was all for nothing / Je ne parviens pas à croire que tout cela était en vain »). Et la musique de prendre son envol de manière aérienne, nous offrant ici un des grands temps forts de cet album.
La dernière étape du cycle (« Part V – Acceptance« ) permet enfin au protagoniste de trouver, sinon des réponses, du moins une forme de paix intérieure (« The nights will never be the same but still the promise remains / Les nuits ne seront plus jamais les mêmes, mais la promesse demeure néanmoins»), avançant en portant en lui une douleur pacifiée pour mieux traverser en conscience les jours à venir. Et c’est le grand Zak Stevens (Savatage, Circle II Circle, TSO) qui, avec sa voix extraordinaire — à la fois puissante et délicate —, porte ce morceau vers de nouveaux sommets, en en faisant indéniablement le point d’orgue musical de cet album. L’histoire raconte que Tom Englund (Evergrey, Redemption, Silent Skies) avait été initialement pressenti pour participer à l’album.
Trois autres compositions étoffées viennent enrichir cet opus, et semblent prolonger la thématique de « The Stages of Grief » : le sombre et magnifiquement construit « Rumination » (avec un final mémorable), « The Final Act« , à l’introduction résolument floydienne, et enfin le mélancolique « The First Step Forward« . Ces titres se distinguent de nouveau par une grande richesse d’idées mais requièrent plusieurs écoutes en l’absence, peut-être, de refrains marquants. Un premier album très prometteur dans l’univers du prog metal et un groupe à suivre indubitablement de près.
Formation du groupe
Dimitris Stratikis : Chant / Basse - Vasilis Sarou : Piano / Claviers - Petros Printezis : Guitares - Georges Theodoropoulos : Guitares - Theoharis Theoharakis : Batterie - Invités : Zak Stevens (Savatage/TSO) chant sur "Acceptance" -
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