
Titres
- In the Arms of Morpheus (5:22)
- Night Terror (9:55)
- A Broken Man (8:30)
- Dead Asleep (11:06)
- Midnight Messiah (7:58)
- Are We Dreaming? (1:28)
- Bend the Clock (7:24)
- The Shadow Man Incident (19:32)
Parasomnia célèbre le retour au bercail du batteur prodige Mike Portnoy au terme d’une brouille de 13 ans avec ses compères de Dream Theater, groupe qu’il a cofondé en 1985. Si une telle réconciliation était inéluctable, son timing est pour le moins surprenant. Elle intervient en effet à un moment où le groupe semblait pourtant avoir enfin trouvé son équilibre avec A View from the Top of The World (2021), très certainement (et de loin) l’album le plus réussi de toute l’ère Mike Mangini, augurant du meilleur à l’aube de cette nouvelle décennie. Mais le rapprochement en 2020 de Mike Portnoy avec le guitariste John Petrucci, autre cofondateur de Dream Theater, au travers du troisième chapitre du projet Liquid Tension Experiment ainsi que la participation du batteur à son album solo (Terminal Velocity) la même année précipite les choses et scelle ainsi le destin de l’infortuné Mike Mangini. Exit donc Manginidont l’extraordinaire contribution à l’édifice de Dream Theater n’a pourtant pas manqué d’être saluée conjointement par les fans et la presse spécialisée. La fracassante nouvelle, annoncée fin octobre 2023, crée sans surprise de nombreuses expectatives, ravivant l’espoir d’une alchimie retrouvée entre les musiciens, celle de l’âge d’or du groupe, avec pour corollaire en ligne de mire la possibilité de nouveaux sommets artistiques. Non sans une certaine légitimité au regard du rôle déterminant joué par Mike Portnoy dans l’identité musicale du combo et de sa capacité à en mobiliser le potentiel créatif, sans oublier la prééminence du duo guitare – batterie dans le processus d’écriture du groupe. Et dès lors, une seule question s’impose : l’album Parasomnia est-il au rendez-vous de toutes ces attentes?
La composante progressive de ce style musical, dont Dream Theater fut l’un des artisans majeurs, rappelle la nécessité de savoir tisser un dialogue constant entre la musique et le récit, par exigence d’une expérience immersive complète. A ce titre, il est certain que Dream Theater renoue sur ce disque avec une certaine ambition narrative. S’il ne s’agit pas d’un véritable concept album en soi, les différents morceaux sont en revanche reliés par une thématique globale, à l’instar de l’approche retenue sur le second LP de Six Degrees of Inner Turbulence (2002), qui explorait différentes typologies de troubles psychologiques au travers d’histoires fictives. Le groupe choisit ici de s’intéresser à la parasomnie et à son impressionnant cortège de manifestations (terreurs nocturnes, paralysies du sommeil, somnambulisme, cauchemars, hallucinations hypnagogiques etc..) : un univers où les frontières du réel s’effacent et les ombres dansent aux marges du sommeil, véritables énigmes gravées dans l’obscurité. Et où les peurs irraisonnées deviennent tangibles. Ce dramatique mais fascinant sujet se révèle être une riche source d’inspiration qui confère un ton particulier à l’album, jusqu’à la sombre pochette que l’on doit à l’artiste canadien Hugh Syme, graphiste attitré du groupe depuis Octavarium, semblant évoquer en clin d’œil une vision cauchemardesque de celle d’Images and Words (1992).
La tonalité de l’album est annoncée par le premier single, « Night Terror », qui nous plonge dans cette lutte contre des ombres nocturnes terrifiantes. Le son est massif, radicalement heavy (sorte de croisement entre Systematic Chaos et Train of Thought), très organique et porté par une présence impressionnante de la batterie dans le spectre sonore, jusqu’au drum fill d’ouverture qui s’apparente à une véritable déclaration d’intention. Mike Portnoy est de retour et il tient à le faire savoir ! Une démonstration de force, avec un refrain passant très bien l’épreuve de la scène, qui vise clairement à rassurer les inconditionnels du groupe au travers notamment de ce long break instrumental nous rappelant l’aptitude du groupe à multiplier signatures rythmiques asymétriques et étourdissants changements de tempo. Mais également, convenons-en, sans réel élément de surprise et avec un sentiment de déjà-entendu. L’impression de puissance de « Night Terror » est encore accentuée dès les premiers accords du second single, « A Broken Man ». Néanmoins, si la dynamique de ce barrage de feu en ouverture restitue bien l’extrême violence de ces nuits hantées par des souvenirs de guerre, qui s’accrochent aux rêves et ne s’effacent pas à la lumière du jour, tels des éclats de shrapnel, le titre peine à réellement décoller. Il manque un point culminant à la mise en tension sur l’intro et une partie du break rappelle certes la démesure de Liquid Tension Experiment mais semble composé d’éléments juxtaposés de manière aléatoire avec un sentiment de hors sujet par rapport au propos du morceau. Une impression donc somme toute mitigée à l’écoute de ces deux premiers titres qui manquent d’audace et, osons-le dire, quelque peu d’inspiration. Mais doit-on réellement juger un album de prog metal à l’aune de ses singles?
Bien évidemment non. Et le reste de l’album, c’est-à-dire tout de même pas loin de 53 minutes de musique, tend à démontrer que ce groupe, qui a renvoyé à leurs études des musiciens de toutes obédiences et n’a donc plus rien à prouver techniquement, peut encore nous époustoufler lorsqu’il se recentre sur la mélodie et faire preuve de ces extraordinaires fulgurances qui le distinguent dans un style musical ou les pseudo-prétendants se poussent au portillon. Le remarquable instrumental en ouverture de l’album, « In The Arms Of Morpheus », révèle ainsi une tout autre ambition, brossant en l’espace de cinq minutes avec une dimension cinématique prononcée toutes les couleurs de l’album au travers de ses principaux thèmes. C’est un plongeon immédiat dans la thématique de Parasomnia : une perceptible inquiétude à l’heure de s’abandonner au sommeil, une soudaine distorsion qui nous projette dans cet univers parallèle du rêve où se succèdent différentes sensations, de l’oppression au vertige en passant par des tonalités parfois élégiaques. Et avec le sentiment qu’une infernale mécanique se met en place inéluctablement, amplifiée par l’utilisation de la guitare à huit cordes de John Petrucci, lui permettant d’explorer des registres proches de ceux de la basse et enrichissant les riffs d’une belle profondeur sonore. « Dead Asleep », qui évoque avec force d’évocation le somnambulisme dans ses conséquences les plus tragiques, est une très belle réussite : dans ce drame, le lourd riff de guitare (de nouveau à la huit cordes, dans la lignée des sonorités de « Awaken the Master » du précédent album) évoque ce corps qui marche sans âme vers l’irréparable, guidé par le fil invisible de l’inconscient, en opposition aux parties plus symphoniques qui soulignent l’horreur de la prise de conscience de l’acte au réveil. Un titre captivant de bout en bout, de l’intro cristalline, merveille de sensibilité, à la beauté évanescente des toutes dernières notes. « Midnight Messiah », sur lequel James Labrie brille particulièrement, sonne comme un sinistre avertissement avec ces rêves qui semblent empreints d’un réel encore à naître. Et s’il renoue momentanément avec les ficelles de « Repentance » (Systematic Chaos) sur l’intro, cet uppercut au refrain miraculeux, avec cette accélération jouissive, s’impose certainement comme le titre que le groupe aurait pû privilégier en single, bien moins démonstratif que « Night Terror » et hautement plus efficace.
Le court interlude « Are We Dreaming » est un pur moment de grâce, entre rêve et éternité, une immersion au plus profond de l’univers onirique, sur quelques troublantes notes de Jordan Rudess que l’on voudrait étirer vers l’infini. Un instant en suspension qui préfigure un autre temps fort de ce disque, « Bend The Clock », très prog dans l’âme, aux fausses allures de ballade avec son intro étonnamment bluesy. Cette composition illustre avec une grande justesse les rêves qui reviennent nuit après nuit, retenant de leurs griffes certains êtres, les empêchant d’avancer dans la lumière du jour. Magnifiée par les intonations de James Labrie elle se conclut sur un mélancolique solo de plus de deux minutes de John Petrucci en fade out. Et si d’aventure cela ne suffisait pas, le groupe clôture Parasomnia avec un monument épique de quasiment vingt minutes, dans la grande tradition progressive. « The Shadow Man Incident » qui démarre, théâtral à souhait, sur quelques notes de boîte à musique, oscille entre rêve et réalité, la nuit et le jour s’entrelaçant pour constamment brouiller la frontière des certitudes, au travers d’une partition inventive et vertigineuse, notamment de la troisième à la quatorzième minute. Ce parcours sans faute, alternant envolées lyriques, moments en apesanteur et thèmes lumineux (la section « Endless Nights » est un bonheur absolu) est incontestablement le point d’orgue de cet album. A titre anecdotique, les fans de l’écrivain Howard Phillips Lovecraft reconnaitront la référence à la nouvelle La Cité sans Nom (‘That is not dead which can eternal lie. And with strange aeons even death may die. / N’est pas mort ce qui peut sommeiller à jamais. Ainsi, au fil de siècles insondables, même la mort peut se dissoudre’ ). Seul petit reproche, un emprunt prononcé dans les premières minutes de la composition à l’intro martiale de cet autre titre épique, par ailleurs également très réussi, « A View from the Top of the World ».
Parasomnia apparait comme moins démonstratif et de facto, plus accessible que les dernières productions du groupe, avec un soin particulier apporté aux ambiances et aux mélodies. Et c’est sans doute là que réside la contribution de Mike Portnoy, enrichie de ses multiples expériences en dehors de Dream Theater, un parallèle pouvant plus précisément être établi avec l’esprit de son projet Sons of Apollo. Sans s’élever au rang des réussites absolues de Dream Theater, Parasomnia est néanmoins avec certitude un excellentissime opus, renouant avec une inspiration qu’on ne lui avait plus connue depuis très longtemps. C’est également, sans surprise, un disque qui se situe largement au-dessus de toute la production actuelle, rappelant la prééminence et l’empreinte indélébile de ce groupe sur l’univers prog metal. Mike, welcome back !
Formation du groupe
James LaBrie : chant principal - John Petrucci : guitares, chœurs - Jordan Rudess : claviers, chœurs - John Myung : basse, chœurs - Mike Portnoy : batterie et percussions, chœurs
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C’est toujours pareil et même pire, soit un truc lourdingue, démonstratif, répétitif avec un chanteur toujours aussi faiblard, en un mot : chiant
je vous suis aussi, le contenu est loin de valoir le contenant ….