J’ignore pourquoi on ressent toujours une certaine fierté à voir émerger des talents issus de sa propre ville ou région, alors que concrètement on n’y est absolument pour rien… Ainsi, en tant que Toulousain, je suis très heureux de voir le dynamisme actuel de la scène de la ville rose porté par certains groupes dont la renommée dépasse très largement les limites de la rocade Toulousaine. On peut par exemple citer : Slift (Space-Rock, Rock Psychédélique), BRUIT ≤ (Post-Rock, Ambient) ou encore Esthesis (Rock Progressif). Ça change du cliché rugby-cassoulet! Aujourd’hui, intéressons-nous donc au groupe Draw Me A Sheep (basé à Toulouse, vous l’aurez compris) et à son nouvel album ‘Abracadabrantesque’. Si le nom du groupe est clairement une référence au Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry (“S’il vous plaît… dessine-moi un mouton” pour ceux qui n’auraient pas suivi), je doute que le titre du disque ait un quelconque lien avec une citation d’un ancien président de la République. Les deux termes font plutôt référence au monde de l’enfance et à l’imaginaire qui l’accompagne.
Le groupe est constitué de trois membres seulement : deux guitares (Victor et Anthony) et une batterie (Adrian). Le trio propose une musique instrumentale assez technique d’inspiration Métal, mais pas que… Pas de démonstrations futiles ici, mais des titres au format court (dans les 3 minutes) qui ont chacun une identité forte, basés sur une idée, une référence ou une ambiance.
Alors, embarquons immédiatement pour ce voyage dans l’univers de Draw Me A Sheep (DMAS).
Un son de passage à niveau, un bruit de train à vapeur, une arrivée en gare, des sonorités de fête foraine : “Introduction” nous plonge dans l’ambiance, à la manière d’un Pinocchio en route pour l’île enchantée. Mais il n’est pas encore question de musique. Cela arrive avec “Cock-A-Doodle-Doo”, un chant du coq qui réveille, introduit par une basse slappée énergique, alors que le groupe n’a pas de bassiste… J’ai pu échanger avec Anthony, un des deux guitaristes, et voici sa réponse sur ce sujet : “La basse sur l’album est jouée par Victor, mais ce n’est pas un choix par défaut, car il est également bassiste. Toutes les parties sont de toute façon composées par le groupe à la base. Pour être plus concret, nous jouons tous de plusieurs instruments et avons une vision d’ensemble lorsque l’on compose nos titres. Avoir un bassiste officiel est bien sûr une bonne chose, notamment pour la scène, mais ce n’est pas une obligation pour que le groupe existe.” Le titre est ensuite un tourbillon de joutes guitaristiques et d’impressionnantes parties de batterie. Bien entendu, la mise en place est impeccable, et les aspects mélodiques sont toujours mis en avant. C’est un très bon représentant du style du groupe.
On poursuit dans la même veine et avec la même intensité sur “Hollow Man”, guitares métals en avant et batterie qui éclate tout sur son passage (mention spéciale pour le son de caisse claire). Mais dans un souci de surprendre l’auditeur, on croisera au hasard du morceau un passage bossa-nova ou une guitare funky.
“Bubblegum” est un titre absolument génial sur lequel les deux guitares imitent à la perfection les sonorités d’une machine à sous, on y trouve également une très belle mélodie, des accords qui arrivent du jazz (7èmes et 9èmes augmentées), et une rythmique infernale (le jeu d’Adrian sur l’intégralité de l’album est un savant dosage d’énergie et de subtilité). Allez l’écouter.
“Probotector” semble faire référence au monde du jeu vidéo, un des thèmes volontiers développé par DMAS. Concernant l’inspiration, voici ce que dit Anthony : “Chaque titre démarre toujours d’une envie de créer un univers, un paysage musical, une atmosphère, ou encore de fusionner des styles improbables. Le tout, mélangé à notre ADN Métal.”
Ambiance Jazz-Rock et sons plus clairs pour “Diabolo menthe”, puis plongée dans un monde intriguant / inquiétant / amusant avec “La Chose”, une référence évidente à “La Famille Adams”. Et Anthony de préciser : “On trouvera d’ailleurs sur la pochette des dessins ou des personnages qui illustrent chacun de nos morceaux. Notre but est de proposer des morceaux différents, pour amener l’auditeur vers un voyage surprenant du début à la fin.”
Un inattendu Jazz Manouche à la guitare acoustique “Gripsou” permet d’apprécier la maîtrise des guitaristes sans aucune forme d’artifice. Vient ensuite “El Trago De Más”, un voyage à 100 à l’heure vers le Mexique et ses boissons traditionnelles, qui peuvent parfois embrumer le cerveau (et la sonorité du titre ici).
“Dans le bleu” m’a surpris (agréablement) par sa douceur, ses changements d’accords, sa mélodie. C’est un peu la récupération après les excès précédents.
On note tout au long de l’album une très bonne complémentarité entre les deux guitares. Voici ce que dit Anthony concernant le processus d’écriture : “La composition part toujours d’un musicien qui propose quelque chose. Si l’idée résonne chez l’autre, on fait évoluer la composition en ping-pong jusqu’à être pleinement satisfaits. Jusqu’à maintenant, c’était un travail à deux, mais on compte sur l’arrivée d’Adrian, multi-instrumentiste, pour avoir une troisième tête pensante et donner de nouvelles influences à notre musique.”
Une petite faim ? DMAS nous sert un “Mac’n Cheese”, un sandwich à base de couches de riffs endiablés, double grosse caisse, avec un supplément basse parfaitement digeste.
Retour de l’influence jeu vidéo avec le dernier titre “Error 404”, pendant lequel on a l’impression de jouer à Mario et de parcourir différents tableaux accompagné par un groupe métal en lieu et place des habituelles sonorités 8-bits.
Pour essayer d’imager la musique de Draw Me A Sheep, et en particulier cet album ‘Abracadabrantesque’, je dirai que c’est un peu comme si Polyphia avait réalisé la Bande Originale du dernier film de Tim Burton. Un univers fascinant et inquiétant à la fois, baigné de guitares métal. Parmi les autres influences qui viennent à l’esprit on peut citer : Steve Vai, Plini, Animals As leaders, Periphery ou The Aristocrats. N’hésitez pas à aller jeter une oreille sur cet album et peut être serez vous embarqués pour un voyage au pays de l’imaginaire.
Formation du groupe
Victor : Guitares - Anthony : Guitares - Adrian : Batterie - Musiciens additionnels : Denis : Guitare rythmique sur “Gripsou”
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